Délai pour agir en contestation de la rupture du contrat : l’état psychique du salarié peut permettre la suspension de la prescription
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Lorsque le contrat de travail d’un salarié est rompu par l’employeur, il dispose de la possibilité d’en contester le bien-fondé devant les juridictions compétentes, pendant un délai d’un an. Au-delà , toute action est impossible. Mais que se passe-t-il si le salarié n’est pas en capacité psychique d’agir à temps ? Ce délai de prescription est-il prorogé ou suspendu ? Illustration.
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Essayer gratuitement pendant 30 joursJe me connectePrescriptions des actions en justice : rappel et historique
Dans le cadre de ses relations de travail, le salarié dispose de la possibilité de contester devant les juridictions, certains agissements de l’employeur : rupture du contrat, mauvaise exécution du contrat, non-paiement du salaire, etc.
Les actions en justice sont toutefois encadrées par des délais : c’est la prescription ! Si le salarié ne saisit pas à temps le conseil de prud'hommes, son action ne sera plus recevable.
Les différents délais de prescription sont actuellement les suivants :
- 6 mois pour contester le reçu solde tout compte signé, 2 ans à défaut de signature ;
- 12 mois pour contester une rupture conventionnelle ;
- 12 mois pour contester la rupture de son contrat de travail ;
- 2 ans pour les actions en contestation de l'exécution du contrat de travail ;
- 2 ans pour les actions tendant à faire reconnaître le caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie ;
- 2 ans pour toute action tendant à engager la faute inexcusable de l’employeur ;
- 3 ans pour les demandes relatives au paiement des salaires ou des congés payés ;
- 5 ans en matière de discrimination, de harcèlement sexuel ou moral.
Le délai de prescription commence à courir, en général, « le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » (Code civil, art. 2224). C’est par exemple, en cas de licenciement du salarié, au jour de sa notification.
Mais ces délais de prescription peuvent supporter dérogation.
Ils peuvent faire l’objet d’une interruption permettant ainsi de supprimer le délai déjà acquis pour en faire courir un nouveau de la même durée.
Ils peuvent également faire l’objet d’une suspension ce qui provoque l’arrêt temporaire du délai restant à courir, mais n’efface pas le délai déjà couru. Les cas de suspension de la prescription se retrouvent principalement lorsque le salarié est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure (Code civil, art. 2234).
La jurisprudence est venue illustrer, au cas par cas, ce que l’on entend par force majeure. Elle s’est récemment prononcée sur cette notion au regard de l’état anxio-dépressif du salarié l’empêchant ainsi d’agir dans les délais fixés.
Etat anxio-dépressif du salarié : cas de force majeure justifiant la suspension de la prescription
Si le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir en justice en raison de son état de santé, cela caractérise la force majeure suspendant la prescription en cours. C’est ainsi que s’est prononcée la Cour de cassation.
Dans cette affaire, une salariée, engagée en qualité d'attachée commerciale est licenciée pour cause réelle et sérieuse le 2 novembre 2015. Le 2 février 2018, soit deux ans plus tard, la salariée saisit le conseil des prud’hommes en contestation de son licenciement.
Devant les juridictions, l’employeur invoque la prescription de l’action en justice qui est normalement d’un an dans les affaires de contestation de la rupture du contrat. Mais la salariée produit divers certificats médicaux du médecin psychiatre relevant des troubles anxio-dépressifs lesquels constituent selon elle un cas de force majeure pour agir en justice.
Or pour l’employeur, les certificats médicaux ne sont pas suffisants pour considérer que l’état de santé de la salariée constitue un cas de force majeure empêchant la prescription de courir puisque cela n’est pas un obstacle insurmontable. Par ailleurs l’employeur avance que malgré l’état psychique de la salariée, celle-ci avait eu la capacité d’effectuer certaines démarches pour faire reconnaître l’existence d’un accident du travail. Autrement dit, si l’état de santé de la salariée lui permettait d’effectuer de telles démarches, rien ne l’empêchait d’agir en justice.
Malgré ces éléments, les juges donnent raison à la salariée. La salariée, par les preuves rapportées et notamment les différents certificats, démontrait que ses troubles anxio-dépressifs étaient suffisamment importants, s’accompagnant de crises de panique incessantes et que son état s’était même aggravé à compter de février 2016. De ce fait, cet état l’empêchait de mener à bien toute démarche personnelle, sociale et administrative, comme la gestion de son dossier prud’homal. En conséquence, c’est à bon droit que la salariée, qui s’était trouvée dans l’impossibilité d’agir, a pu considérer la prescription suspendue.
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Cour de cassation, chambre sociale, 25 janvier 2023, n° 21-17.791 (un salarié, empêché d’agir en justice contre la rupture de son contrat du fait de son état de santé psychique lié à un état anxio-dépressif, peut bénéficier de la suspension des délais de prescription)
Juriste droit social
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