Dénonciation d’un harcèlement moral : licenciement annulé si pas de mauvaise foi !
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Les agissements de harcèlement, sexuel ou moral, sont prohibés. Au titre de son obligation de sécurité, l’employeur est tenu de prévenir et faire cesser ces agissements. De son côté, le salarié qui dénonce de tels faits de bonne foi ne peut pas être sanctionné. Mais qu’en est-il lorsque le salarié use voire abuse de sa liberté d’expression et tient des propos excessifs lors de sa dénonciation ? Le licenciement est-il licite ?
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Dénonciation d’un harcèlement : rappel du régime protecteur
Le harcèlement moral est le fait pour une personne de subir « les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (Code du travail art. L. 1152-1). Faits également punis pénalement, la définition étant sensiblement la même (Code pénal, art. 222-33-2).
Lorsqu’une une personne est harcelée, ou constate des agissements pouvant caractériser des faits de harcèlement, et les dénonce, elle bénéficie alors d’une protection qui vise à interdire les sanctions de l’employeur. Ainsi un employeur ne peut ni sanctionner disciplinairement un salarié ayant dénoncé de tels faits, ni se servir de ses actes à l’appui d’un licenciement. Un tel licenciement serait d’ailleurs frappé de nullité.
Mais cette protection ne s’applique pas toujours. Ainsi lorsque le salarié a dénoncé de mauvaise foi des faits inexistants de harcèlement moral, ses agissements peuvent rendre impossible son maintien dans l’entreprise et justifier un licenciement.
Dénonciation d’un harcèlement moral : seule la mauvaise foi fait perdre la protection
Dans une affaire récente, un salarié, cadre de direction, est licencié après avoir envoyé un mail confidentiel à son directeur général dénonçant des faits de harcèlement moral de la part du directeur administratif et financier de l’entreprise. Le directeur général, qui ne prend alors pas la mesure du contenu du mail, le licencie pour faute grave. L’employeur reproche au salarié d’avoir abusé de sa liberté d’expression et d’avoir tenu des propos diffamatoires dans son mail d’alerte. En effet, le salarié invoquait que ce directeur était « pédant , odieux, nuisible, incapable de répondre à une question simple même s’agissant de finance » et qu’il était « détesté et dangereux : détesté parce que détestable et dangereux car incompétent ».
Le salarié conteste la rupture de son contrat devant les juridictions prud’homales et en demande l’annulation. Son argument : le Code du travail dispose que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement bénéficie d’une protection contre les sanctions ou rupture de son contrat. Que les termes employés n’étaient pas diffamatoires d’autant qu’ils avaient été transmis à titre confidentiel au directeur général ce qui ne pouvait pas porter atteinte à la réputation du directeur.
La cour d’appel précise que le fait d’écrire en ces termes ne constituait pas un abus de la liberté d’expression du salarié, dans la mesure où le mail de dénonciation était confidentiel, à l’attention du DG dont le salarié était proche puisqu’ils se tutoyaient, que le salarié avait certes émis des jugements de valeur à l’encontre du DAF mais à aucun moment ces derniers n’étaient injurieux.
Les hauts magistrats, après avoir rappelé les principes légaux applicables au licenciement d’un salarié dénonçant des faits de harcèlement moral, estiment que les constatations émises par le salarié étaient exsangues de mauvaise foi. Les éléments avaient été dénoncés par un cadre membre du comité de direction au directeur général, par mail confidentiel, afin que celui-ci puisse connaître la situation et le cas échéant prendre les mesures adéquates. De ce fait, aucun abus n’a été commis par le salarié. Le licenciement est donc nul et le pourvoi rejeté.
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La décision aurait était peut-être différente si le mail de dénonciation avait été envoyé, par exemple, à tout le comité de direction dont le DAF, voire via un tract syndical.
Cour de cassation, chambre sociale, 15 février 2023, n° 21-20.811 (le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce)
Juriste droit social
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