Dépression : peut-elle être reconnue d’origine professionnelle alors même que l’employeur a été relaxé, au pénal, du chef de harcèlement moral ?
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La maladie reconnue d’origine professionnelle
Le principe est simple : une maladie peut être considérée comme professionnelle lorsqu'elle est contractée du fait du travail.
Et elle peut être d'origine professionnelle, qu'elle figure ou non aux tableaux des maladies professionnelles. Mais bien sûr, quelques conditions sont posées.
Par exemple, si une ou plusieurs conditions prévues par ces tableaux (délai de prise en charge, durée d'exposition ou liste indicative des travaux) ne sont pas remplies, la CPAM peut reconnaître l'origine professionnelle de la maladie si cette dernière est causée directement par le travail habituel de la personne. Il faudra aussi, entre autres, un avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Est-ce potentiellement le cas d’une « dépression réactionnelle », affection non désignée dans un tableau de maladies professionnelles ?
Oui, notamment si les conditions précitées sont réunies.
Mais cette reconnaissance est-elle alors opposable à l’employeur qui, lui, a été relaxé au pénal du chef de harcèlement moral ?.
Dépression, harcèlement moral et maladie d’origine professionnelle
Dans notre affaire, une salariée déclare une maladie professionnelle en avril puis octobre 2008, en faisant état d'une « dépression psychogène réactionnelle ».
Le CRRMP émet un avis favorable puis la CPAM prend en charge cette affection au titre de la législation professionnelle par décision du 12 novembre 2009.
Côté pénal, cette même salariée avait souhaité voir le dirigeant ainsi que deux responsables de la société reconnus coupables de harcèlement moral. Sur ce point, elle n’obtient pas gain de cause puisque, le 22 juin 2017 (8 ans plus tard donc), le dirigeant est relaxé du chef de harcèlement moral et de toute faute civile.
En 2020, la cour d’appel de Versailles déclare donc inopposable à la société employeur la décision de de la CPAM de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par la salariée : « Sa maladie ne pouvait résulter que du harcèlement et du comportement des trois personnes mises hors de cause dans le cadre de la procédure pénale du chef de harcèlement ».
Vraiment ?
Non.
La Cour de cassation rappelle en effet, sans ambiguïté, que, selon le Code de la Sécurité sociale, la maladie peut être reconnue d'origine professionnelle notamment lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Il appartenait donc à la cour d’appel de caractériser l'absence de lien direct entre la maladie et le travail habituel de la victime pour que la décision de la CPAM reconnaissant l’origine professionnelle de la maladie ne soit pas opposable à l’employeur.
Pour cela, plusieurs éléments seraient à prendre en compte. Dans le cadre du contentieux, ont en effet été évoquées les difficultés rencontrées résultant « essentiellement de la charge de travail qui existait au sein du service facturation, charge de travail reconnue par les dirigeants eux-mêmes », ou encore « une rotation assez rapide des effectifs, une difficulté particulière existant au sein du service facturation », que « plusieurs témoignages faisait état de ce que l'un des responsables pouvait faire preuve d'autoritarisme et de maladresse ». Un témoin avait même déclaré qu'il pouvait être « odieux », et la directrice des ressources humaines avait confirmé « la pression exercée sur les salariés et le ton qu'il employait à leur égard » et considérait qu’il avait « cherché à pousser Mme X à la démission en l'orientant sur des postes en inadéquation avec ses compétences ».
L’employeur peut donc continuer à financer les conséquences de la dépression au travers de ses cotisations ATMP alors qu’il a été relaxé pénalement des accusations de harcèlement moral formulées par la salariée à son encontre. A suivre !
Cour de cassation, 2e chambre civile, 9 septembre 2021, n° 20-17.054 (il est nécessaire de caractériser l'absence de lien direct entre la maladie et le travail habituel de la victime)
Sabine Guichard, juriste de droit social de formation, a successivement occupé des postes en entreprise et fédération professionnelle, d'abord en conseil puis de manière opérationnelle. Aujourd'hui, …
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