Des salariés en manque de reconnaissance

Publié le 17/04/2013 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:24 dans Risques psychosociaux.

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Nombreux sont les français qui déclarent manquer de reconnaissance au travail aujourd’hui. Si les études qui portent sur ce domaine n’en ont pas encore déterminé tous les contours, elles révèlent toutefois que plus d’un tiers des employés éprouve ce manque de reconnaissance.

Selon l’ANACT (1), 37 % des salariés français manquent de reconnaissance. Ces résultats corroborent l’étude menée en 2003 par Jean-Pierre Brun (2) dans quatre organisations, où 25 à 41 % des personnes ont affirmé vivre un manque important de reconnaissance au travail.

De toute vraisemblance, ces résultats pointent les limites des outils RH traditionnellement mis en place pour reconnaître les salariés. L’entretien d’évaluation, la mesure de la performance, la validation des acquis de l’expérience, les démarches qualité et certification, ainsi que les systèmes de primes et de rémunération monétaire semblent ne pas suffire aux salariés pour qu’ils se sentent reconnus dans leur travail. Pour envisager de leur redonner un niveau de reconnaissance acceptable, il convient de prendre de la distance avec ces outils et de s’interroger sur ce qu’est la reconnaissance, ses différentes formes, ses manifestations et ses liens avec les autres aspects du travail.

Une définition de la reconnaissance au travail

Pour définir la reconnaissance au travail, les travaux de recherche de Jean-Pierre Brun, professeur et ancien titulaire de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité à l’Université de Laval au Québec, s’avèrent très utiles. Ils définissent la reconnaissance comme « une réaction constructive et authentique qui se base sur un jugement et une appréciation, et qui se traduit par une rétribution symbolique, affective, concrète ou financière ».

Si on en croit les théories qui ont été formulées sur le sujet dès 1990, notamment celle de Siegrist, cette « réaction constructive et authentique » de la part du manager ou de l’organisation, servirait à équilibrer la perception du salarié. Car ce dernier mettrait en balance les efforts qu’il dispense au travail, et les bénéfices qu’il en retire. Et les manifestations de reconnaissance seraient classées du côté des bénéfices.

On comprend aussi que si les « bonjour », « merci » et « au revoir » sont indispensables, ils doivent être complétés par une manifestation du manager issue d’une évaluation objective du travail du salarié. La reconnaissance ne se limite pas à une somme d’automatismes gentillets. Elle nécessite de la part de son pourvoyeur, une attention à l’égard du salarié sur différentes dimensions.

Les différentes formes de la reconnaissance au travail

Les études de Jean-Pierre Brun ont permis d’établir quatre formes de reconnaissance qui balaient les différents aspects sur lesquels il est possible d’intervenir :

  • la reconnaissance existentielle où le salarié est reconnu pour son statut d’individu à part entière ;
  • la reconnaissance des pratiques professionnelles, c’est-à-dire la façon dont le travail est réalisé (les comportements, les compétences) ;
  • la reconnaissance de l’investissement (l’implication et la motivation) ;
  • la reconnaissance des résultats (le rendement et la contribution des employés à l’atteinte des objectifs de l’entreprise).

Le lien entre bien-être au travail et reconnaissance

La problématique du manque de reconnaissance est un élément important à prendre en compte lorsqu’on a l’ambition de vouloir appréhender les risques psychosociaux ou d’éviter leur prolifération. Effectivement, le lien a été établi entre le sentiment de reconnaissance et le bien-être au travail. Les expériences de Brun ou de Dalloz le montrent. Un manque de reconnaissance important multiplie par quatre le risque de vivre une détresse psychologique élevée. L’absence de reconnaissance favorise par ailleurs l’apparition du burn-out.

Ces études nous confortent dans l’idée qu’il est nécessaire de restaurer ce sentiment de reconnaissance. D’une part, pour la santé des salariés. Et, d’autre part, pour les conséquences dans les organisations car elles sont évidentes en terme de productivité. Assurément, un salarié frustré dans la relation qu’il entretient avec son organisation sera moins productif qu’un salarié qui en est satisfait.

Quelles sont les pistes à explorer ?

La priorité est d’agir sur la formation des managers et de l’encadrement en général. Il est nécessaire d’inclure un volet « reconnaissance » dans le parcours de formation du manager afin de le sensibiliser aux différents points que nous avons évoqués et pour lui transmettre le sens et l’utilité d’une telle démarche.

Il serait également judicieux de s’intéresser de plus près aux idées reçues pouvant freiner la mise en place des conditions de la reconnaissance. Trouver une alternative aux idées telles que « pas besoin de reconnaissance, il y a la paie pour ça » ou encore « trop de reconnaissance accentue l’égo ».

Mais le plus important est de ne pas vouloir s’inscrire dans une posture de gestionnaire lorsqu’on cherche à rehausser le niveau de reconnaissance : c’est avant tout un travail de fond axé sur la culture de l’entreprise.

Pour vous aider à détecter les causes de souffrance au travail et les salariés victimes, les Editions Tissot vous conseillent leur formation « Risques psychosociaux : repérez les souffrances au travail ».

Benjamin Chaillou
Psychologue social, chargé de prévention santé et risques psychosociaux

(1) Agence national d’amélioration des conditions de travail. Cette étude est parue dans le magazine Travail & Changement. N° 317 janvier/février 2008
(2) Jean Pierre Brun est un des chercheurs les plus prolifiques sur la reconnaissance au travail.