Emploi des seniors : des fins d’activités précoces liées à un travail pénible

Publié le 21/06/2023 à 08:24 dans Sécurité et santé au travail.

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France Stratégie met en lumière dans une note d’analyse les 20 métiers ayant la part de sorties précoces de l’emploi la plus élevée : les conditions de travail fortement contraignantes sont, en partie, associées à un départ précoce pour raison de santé. Améliorer la soutenabilité du travail est un levier pour améliorer le taux d’emploi des seniors et la pénurie de main d’œuvre dans les secteurs en tension.

La réforme des retraites a été l’occasion pour l’organisme France Stratégie placé auprès de la Première ministre de se pencher sur les départs en fin de carrière sans passage immédiat vers la retraite. Ces sorties précoces peuvent intervenir dès 51 ans et sont imputables à des raisons de santé, le chômage et tout autre type d’inactivité de personnes ayant renoncé à chercher un emploi et/ou s’occupant d’un proche dépendant.

Le nombre de ces seniors ni en emploi ni en retraite (NER) est loin d’être marginal. Une étude de l’Insee publiée en mai 2023 montre qu’une personne sur six âgées de 55 à 69 ans est dans cette situation, le plus souvent subie : 45 % des personnes de 55 à 61 ans sont sans emploi pour une raison de santé ou de handicap, 19 % sont au chômage. La part de personnes ni en emploi ni à la retraite atteint 28 % à 61 ans. Un peu plus de 60 % des personnes NER sont des femmes.

Les métiers peu qualifiés particulièrement concernés

France Stratégie a effectué un diagnostic précis par métier pour mieux appréhender ces sorties précoces de l’emploi sur la période 2004-2019. Les sorties précoces, en particulier pour raison de santé et vers le chômage, représentent près de 40 % des départs en fin de carrière - hors retraite - chez les employés peu qualifiés et les ouvriers qualifiés.

Ces départs précoces concernent surtout les métiers de l’hébergement-restauration, du bâtiment et des travaux publics (BTP), des services à la personne et de l’entretien ou encore de la manutention. Ils interviennent à des âges différents :

  • 57 ans en moyenne pour les ouvriers peu qualifiés des industries de process, les caissiers et employés de libre-service ;
  • près de 60 ans pour les assistants maternels, les patrons et les cadres d’hôtels, cafés et restaurants.

Le motif premier de ces départs varie : c’est la santé pour 30 % des caissiers et employés de libre-service, l’inactivité pour un ouvrier qualifié de la manutention sur cinq. L’étude de France Stratégie signale par ailleurs que les métiers les moins affectés par les retraits précoces comprennent davantage de techniciens et de cadres.

Sorties précoces et travail non soutenable

Le lien entre les départs précoces et le caractère « soutenable » du travail se confirme au regard des résultats de mars 2023 de l’enquête Conditions de travail de la Dares demandant aux personnes en emploi si elles « se sentent capables de faire le même travail qu’actuellement jusqu’à la retraite ».

D’après cette enquête de la Dares, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des risques professionnels physiques ou psychosociaux tout comme un état de santé altéré vont de pair avec un sentiment accru d'insoutenabilité du travail.

Et 11 des métiers qui connaissent un taux élevé de sorties précoces de l’emploi figurent sur la liste des 20 métiers qui récoltent le plus fort taux de réponses négatives à la question de se sentir capable de faire le même travail jusqu’à la retraite. Les travailleurs de ces métiers mettent davantage en avant des conditions de travail insatisfaisantes ou des problèmes de santé comme facteurs importants de départ à la retraite.

L’importance de la prévention de l’usure professionnelle

Les conditions de travail contraignantes jouent un rôle mais l’étude de France Stratégie estime que la corrélation reste modérée : la part de ces départs est de 8 % chez les ouvriers qualifiés de la mécanique contre 31 % chez les ouvriers peu qualifiés de la manutention alors que ces deux métiers sont exposés à des conditions de travail contraignantes.

Pour autant, l’étude souligne qu’améliorer les conditions de travail reste un des leviers pour accroître le taux d’emploi et réduire les difficultés de recrutement dans les métiers combinant départs précoces pour raisons de santé et conditions de travail contraignantes. La prévention de l’usure professionnelle, par exemple par la réorganisation des horaires de travail et l’adaptation des processus de production, apparaît essentielle, d’autant plus avec la dernière réforme des retraites.

Si certains seniors exposés à la pénibilité du travail peuvent bénéficier sous condition de dispositifs leur permettant de partir plus tôt en retraite, d’autres ne sont pas toujours en mesure de tirer parti de ces mesures dérogatoires. Des études récentes ont montré que le recul de l’âge d’ouverture des droits avec la réforme de 2010 a entraîné une augmentation des arrêts maladie pour les personnes proches de la retraite.


France Stratégie, Fin de carrière des seniors : quelles spécificités selon les métiers ? (avril 2023)
DARES - Analyses : Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail jusqu’à la retraite ?