Enquête harcèlement : sur quels critères doit-on privilégier l'accompagnement par un cabinet externe ?
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La réalisation d’une enquête harcèlement nécessite de manier un savoir-faire technique, tout en gérant l’inévitable pression émotionnelle des différentes parties prenantes. Voici 5 critères pour vous aider à orienter votre choix et réaliser l’enquête en interne, la confier à un expert ou bien envisager une solution hybride.
1. L’expérience des situations de harcèlement
Commencez par faire le point concernant l’expérience que vous avez accumulée. Alors que certaines entreprises ont déjà réalisé des dizaines d’enquêtes, d’autres seront confrontées à une alerte pour la toute première fois.
Si l’entreprise et les personnes responsables de la sécurité physique et psychologique des salariés (chef d’entreprise et DRH notamment) n’ont aucune expérience, il est fortement recommandé de faire appel à un expert. Pas nécessairement pour lui confier l’intégralité de la réalisation de l’enquête, mais à minima pour bénéficier d’un conseil concernant la méthode à appliquer.
Quelques questions peuvent être utiles pour guider le choix :
- combien d’enquêtes ont déjà été réalisées ? ;
- par qui ? Dans quelles conditions ? ;
- qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Est-ce reproductible ? ;
- qu’est-ce qui a été difficile ? Que peut-on changer ?
2. La complexité du dossier
C’est ensuite la complexité du dossier qui doit être prise en compte, par exemple lorsqu’un grand nombre de personnes sont impliquées ou que certaines ne peuvent pas ou ne souhaitent pas s’exprimer, ou encore parce qu’il y a déjà eu des précédents que l’on n’est pas parvenu à résoudre par le passé.
D’autres situations particulièrement sensibles doivent inviter à faire preuve de vigilance :
- l’implication d’un salarié protégé ou d’un membre de la direction (en tant que personne plaignante ou mise en cause) ;
- l’existence d’un conflit d’intérêt entre les parties prenantes et/ou les potentiels enquêteurs internes (affinités ou lien d’amitié, etc.) ;
- une suspicion de fraude (financière, heures supplémentaires, etc.) ;
- un dialogue social particulièrement dégradé.
3. Les connaissances clés
Deux types d’expertises sont à privilégier :
- psychologie : le psychologue est un expert des mécanismes humains, du fonctionnement de l’individu et des groupes, en bonne ou mauvaise santé. Le psychologue décryptera finement les faits et évaluera l’état psychologique des personnes ;
- droit du travail : l’avocat et le juriste spécialisés en droit du travail maîtrisent la traduction juridique et suivent l’évolution de la jurisprudence. Ils donneront une définition juridique aux agissements et informeront l’employeur du périmètre de sa responsabilité.
L’absence totale de connaissance dans ces deux disciplines peut s’avérer préjudiciable, car les enquêteurs ne disposent alors pas de repères méthodologiques, ni d’une grille de lecture nécessaire à l’appréciation de la situation.
4. Le temps disponible
La disponibilité est un facteur évidemment essentiel, mais qui est le plus souvent négligé.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui décide de confier la réalisation d’une enquête à sa référente harcèlement. Celle-ci est psychologue de formation. Elle a acquis des notions juridiques tout au long de sa carrière. Seulement, son périmètre s’étend à toute la France, avec plusieurs dossiers déjà en cours. Ajouter une nouvelle mission à la référente pourrait s’avérer préjudiciable à la fois pour l’employeur, mais surtout pour les plaignants et mis en cause qui devront patienter de longues semaines avant d’être entendus puis informés des conclusions.
Par ailleurs, l’attribution d’une enquête à un collaborateur de l’entreprise, quel qu’il soit, doit systématiquement faire l’objet d’un back-up opérationnel, en s’assurant qu’une autre personne est disponible et accepte de prendre en charge les tâches couramment effectuées par l’enquêteur pour un délai convenu à l’avance.
5. La gestion de la charge émotionnelle
Il faut enfin considérer la gestion des émotions au cours de l’enquête, les émotions des personnes que l’on va recevoir, mais aussi les siennes propres. Il peut être malaisant ou intimidant de garder le cap de l’entretien face à une personne qui se répand en sanglots ou qui explose de colère.
Voici quelques questions utiles pour mesurer si vous êtes prêt, ou non, à gérer cette pression :
- oserai-je insister pour obtenir des réponses factuelles ? Ou pour confronter les versions contradictoires en posant des questions précises ? ;
- comment est-ce que je réagirais si une personne interrogée se mettait à pleurer ? Ou à se montrer agressif ? S’il s'agissait de la victime présumée ? Du harceleur présumé ? Est-ce que je pourrais garder mon calme ? Un respect indéfectible pour chacun ? ;
- est-ce que je serais prêt à signer de mon nom les conclusions de l’enquête, quelles qu’elles soient ? Et à en faire part à la victime et au harceleur présumés lors d’un rendez-vous formel ?
En conclusion, le recours à un expert implique un coût financier non négligeable, mais qui, en contrepartie, peut permettre d’éviter d’ajouter des difficultés à la gestion d’un problème délicat (inflation du conflit, contentieux, etc.). La coréalisation de l’enquête peut permettre de sécuriser la démarche pour les salariés comme pour l’employeur, tout en maîtrisant les coûts et en assurant la montée en compétence des acteurs concernés.
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Psychologue clinicienne - Consultante
Née en 1992 à Enghien-les-Bains, Emma Pitzalis est psychologue clinicienne (Paris X), diplômée en thérapies brèves et stratégiques de l'Institut Gregory Bateson. Emma a débuté sa carrière au sein de …
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