Exercer une activité pendant un arrêt maladie : une faute grave ?
Temps de lecture : 4 min
Le fait d’exercer une activité même non autorisée par son employeur, pendant son arrêt de travail, ne constitue pas automatiquement une faute. Illustration avec une affaire où l’employeur a voulu rompre pour faute grave le CDD d’une salariée exerçant une activité chez un autre employeur pendant son arrêt maladie.
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La faute grave peut permettre de rompre le CDD
Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme par l’employeur qu'en cas de :
- faute grave ;
- de force majeure ;
- ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.
Bon à savoir
La rupture anticipée du CDD qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas autorisés, ouvre droit pour le salarié concerné à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat (Code du travail, art. L. 1243-4).
Concernant plus précisément la faute grave, il doit s’agir d’une faute d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, et ce, même pendant la durée de son préavis. La gravité est appréciée au cas par cas.
Dans une affaire récente, un employeur a rompu par anticipation pour faute grave le CDD d’une salariée travaillant dans un office de tourisme. Motif : pendant son arrêt de travail pour maladie, elle avait effectué une formation auprès d’une compagnie aérienne sans autorisation de son employeur.
Un tel comportement peut-il justifier une faute grave ?
Pas de faute grave du simple fait d’exercer une activité pendant un arrêt de travail
La Cour de cassation a déjà jugé à plusieurs reprises que lorsque le contrat de travail est suspendu pour maladie le fait d’exercer une activité non autorisée ne constitue pas un manquement aux obligations résultant du contrat de travail sans acte de déloyauté (Cass. soc., 21 mars 2000, n° 97-44.730).
Elle vient réaffirmer cette solution dans cette affaire.
Pour la Cour de cassation pour fonder une sanction il faut que la salariée ait manqué à son obligation de loyauté par exemple en exerçant une activité concurrente.
La cour d’appel avait considéré que le fait que la salariée exécutait un travail rémunéré à temps complet auquel l’employeur s’est opposé, pendant un arrêt de travail pour maladie, caractérisait un acte déloyal.
Mais la Cour de cassation n’est pas du même avis. Aucune clause du contrat de travail n'interdisait à la salariée, sauf accord de l'employeur, l'exercice d'une activité autre que son emploi. De plus, il n'était pas constaté que l’activité exercée pendant son arrêt de travail l'avait été pour le compte d'une entreprise concurrente de l'employeur ni qu’elle causait un préjudice directement à ce dernier.
Le seul exercice de cette activité chez la compagnie aérienne ne constituait donc pas un manquement à l’obligation de loyauté et ne justifiait pas une faute grave.
Pour aller plus loin sur ce sujet vous pouvez consulter notre article « Arrêt de travail : l’activité sportive du salarié peut causer un préjudice à l’employeur ». Les faits sont différents puisqu’il s’agissait non pas d’une activité chez un autre employeur mais de sport mais l’affaire vous illustre un type de préjudice qui peut être causé à l’employeur en cas de pratique sportive pendant un arrêt maladie (préjudice d’ailleurs non reconnu en l’espèce).
Bon à savoir
Un salarié en arrêt maladie a néanmoins quelques obligations s’il ne veut pas perdre ses IJSS et son maintien de salaire. Outre le fait de respecter les heures de sortie, durant son arrêt de travail, le salarié doit notamment :
- s’abstenir de toute activité non autorisée par le médecin (Code de la Sécurité sociale, art. L. 323-6). Pour pratiquer une activité pendant un arrêt de travail, celle-ci doit en effet être expressément et préalablement autorisée par le médecin prescripteur de l’arrêt. Peu importe qu’il n’y a pas manquement à l’obligation de loyauté. Cette règle s’applique d’ailleurs que l’activité soit rémunérée ou non. Et y compris pour du bénévolat ou une activité sportive ;
- se soumettre aux éventuelles visites médicales de contrôle de la CPAM ou de son employeur.
Cour de cassation, chambre sociale, 6 septembre 2023, n° 21-24.434 (l'exercice d'une activité, pour le compte d'une société non concurrente de celle de l'employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie, ne constitue pas en lui-même un manquement à l'obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Dans un tel cas, pour fonder un licenciement, l'acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l'employeur)
Juriste en droit social et rédactrice au sein des Editions Tissot
Diplômée du master 2 DPRT de la faculté de droit de Montpellier et experte en droit social, je suis spécialisée dans la rédaction juridique. Au sein des Editions Tissot, je participe à l'animation …
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