Face au sentiment d’impuissance

Publié le 17/12/2024 à 17:32 dans Risques psychosociaux.

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Le sentiment d’impuissance est certainement celui qui contribue, pour la plus grande part, au mal-être professionnel. Il est un facteur important de démotivation, de perte de confiance vis-à-vis des autres et de soi, mais aussi envers l’employeur. Selon de récentes études, la confiance des salariés envers les dirigeants se situerait entre 3 % et 21 %. Bien qu’évocatrices, ces statistiques ne semblent pourtant pas inquiéter les principaux intéressés.

Sentiment d’impuissance : éprouvé sur le plan individuel et collectif

Le sentiment d’impuissance n’est pas seulement un sentiment éprouvé sur le plan individuel, il peut tout à fait se propager à un collectif, ce qui le rend d’autant plus nocif et destructeur. Il se nourrit de la désillusion progressive, des problèmes restés sans réponses, d’un manque d’appui, d’écoute, mais aussi d’un mépris parfois, voire souvent, institutionnalisé. 

Cette forme de mépris est issue d’un état d’esprit qui s’affiche surtout dans les hautes sphères décisionnelles, entretenu par le prestige d’un titre ou d’un pouvoir, malheureusement. Ce choix qui, même issu d’une forme d’inconscience et d’irresponsabilité reste un choix, fractionne les classes de salariés entre méritants et petites mains, entre ceux qui se soumettent et ceux qui veulent mieux-faire ; entre ceux qui n’osent plus dire ce qui ne va pas et ceux qui partent ou quittent sans rien dire.

Si les responsabilités de ces classes de dirigeants sont incontestablement importantes, elles ne devraient jamais l’être au point d’oublier qu’une organisation respire et vit par sa base. Ce sont ces mêmes dirigeants qui éprouvent un malaise à donner une place à ceux désireux, par leurs idées, de participer au mieux-faire, ou qui souhaitent par leur sens de l’initiative résoudre des problèmes récurrents ou qui voudraient, au moins autant qu’eux, la réussite de l’organisation et son rayonnement. Et, chacun observe les erreurs décisionnelles qui se répètent, les projets administratifs annoncés en grande pompe remplis de promesses répétées, rééditées en boucle qui s’alignent l’une après l’autre devant ces oreilles et ces yeux déjà si fatigués.

Parmi tous ceux qui auront cru pouvoir jouer un rôle actif ou simplement avoir droit au respect et à la reconnaissance, combien éprouvent ce sentiment d’impuissance face au cloisonnement hiérarchique, qui permet trop souvent une forme de prélassement qui n’a rien de stratégique ? Dans tous les cas, il y a là une opacité qui sert à l’articulation de toutes les formes de faux privilèges, mais surtout au foisonnement de toutes les incohérences, responsables de la méfiance engendrée par ce mépris institutionnalisé.

Sentiment d’impuissance : entretenu par un sentiment d’injustice

Parce que le sentiment d’impuissance ne vient jamais seul, il est presque toujours entretenu par un sentiment d’injustice. Il est celui qui ébranle tout le système de valeurs professionnelles éventuellement déjà mis à mal par tous ces exemples qui s’accumulent dans la mémoire et ont pour effet de questionner non seulement sa propre valeur professionnelle, mais aussi sa valeur personnelle. A ce point, la détresse psychologique n’est jamais loin. Les signes de stress s’engagent dans la voie de la détérioration psychique et physique et plus le temps passe, plus le sentiment d’impuissance gagne du terrain.

La qualité de vie au travail ne se détermine pas simplement par une délégation de mandat à une direction des ressources humaines. Malgré la noblesse de toute bonne intention, cela sert souvent de refuge à de multiples comportements néfastes ayant pour conséquence la fragilisation de la ressource humaine. Le sentiment d’impuissance conduit à la maladie, et la maladie psychique conduit souvent à la précarisation sociale, l’isolement, la stigmatisation, comme s’il n’était pas suffisant de vivre l’exclusion par la prétention des uns contre l’omerta subie par les autres.

La systémique, devenue tant en vogue, ne sert pas uniquement à vendre un concept attractif, mais aussi à démontrer que chaque posture, chaque attitude possède ses interdépendances, principalement du haut vers le bas et non le contraire, simplement parce que les plafonds de verre permettent une certaine étanchéité de la souffrance. Le sentiment d’impuissance se heurte à ces plafonds et impacte l’esprit de chacun. L’organisation devient malade. 

En santé des organisations, nous prenons en compte l’aspect humain non pas seulement en fonction de ce qu’il doit faire mais de ce qu’il veut devenir. Aujourd’hui, ce que les statistiques disent sans en laisser poindre le mot, c’est que la santé des organisations ne va vraiment pas bien. 

Prisca Lepine auteur

Prisca Lépine

Québécoise au parcours atypique, d’abord psychologue clinicienne dans une large institution de santé, j’ai été rapidement saisie par l’impact du climat de travail sur les comportements, et, au même …