Harcèlement moral au travail et comportement suicidaire

Les conséquences d’un harcèlement moral dans le cadre de l’activité professionnelle peuvent être particulièrement graves. Une étude danoise de grande ampleur, conduite par les chercheurs du département de psychologie de l’Université de Copenhague, met en lumière une augmentation des comportements suicidaires chez les travailleurs exposés. Les risques de tentatives de suicide et de décès par suicide sont globalement près de deux fois plus importants chez les personnes ayant déclaré un harcèlement au travail.

Publiée dans l’édition de septembre 2022 du Scandinavian Journal of Work and Environmental Health, cette étude prospective porte sur 98 330 hommes et femmes suivis en moyenne pendant 7,3 ans et travaillant dans le secteur privé ou public. Les données de neuf enquêtes menées au Danemark entre 2004 et 2014 comportant au moins une question sur le harcèlement au travail ont été croisées avec celles de différents registres de santé, notamment registres hospitaliers ou encore registre des causes de décès.

Un peu plus de 10 % des personnes suivies dans ces enquêtes ont déclaré un harcèlement au travail au cours des douze derniers mois. Les tentatives de suicide et les suicides pris en compte sont ceux survenus au cours du suivi.

Le risque de comportement suicidaire associé à un harcèlement moral au travail semble exister surtout pour les hommes. L’étude précise en effet que l’augmentation de ce risque chez les femmes n’est pas significative. En d’autres termes, elle ne permet pas de conclure que les femmes victimes de harcèlement au travail font plus de tentatives de suicides que celles qui ne le sont pas.

En revanche, les hommes exposés à une telle souffrance au travail ont trois fois plus de risque de développer ultérieurement un comportement suicidaire, et ce quelques soient les variables d’ajustement prises en compte (âge, statut marital et socio-économique, présence de troubles mentaux ou prescription de médicaments psychotropes…). Le risque suicidaire associé au harcèlement au travail ne peut ainsi se résumer à une fragilité psychique des personnes.

Quelques études ont déjà pointé une dégradation de la santé mentale plus aiguë pour les hommes victimes d’un harcèlement moral au travail que pour les femmes. Les chercheurs avancent des hypothèses pour expliquer ces différences genrées : moindre recours à un soutien psychologique ou encore perte de l’estime de soi plus importante pour les hommes que pour les femmes. Mais ce résultat interroge, d’autant qu’une récente étude publiée dans le British Medical Journal met en évidence une augmentation du risque suicidaire tant chez les femmes que chez les hommes exposés à un harcèlement sexuel au travail.

D’après les différentes études disponibles, 14,6 % des salariés sont exposés à un harcèlement moral au travail, une souffrance sévère susceptible d'entraîner des dépressions ou d’autres troubles psychiques. A l’échelle mondiale, plus de 800 000 personnes meurent par suicide chaque année, et au moins 20 fois plus attentent à leurs jours. S’il est difficile d’évaluer le poids de la souffrance au travail dans ces issues dramatiques, les auteurs de l’étude plaident pour un renforcement de la lutte contre le harcèlement au travail. Une nécessité pour la santé au travail mais aussi pour la santé publique.

Pour vous aider à repérer les situations à risques, les Editions Tissot vous conseillent leurs « Dépliants Harcèlement moral ».

https://www.sjweh.fi/show_abstract.php?abstract_id=4034
https://www.bmj.com/content/370/bmj.m2984