Harcèlement moral d’un délégué syndical

Publié le 22/06/2015 à 08:02, modifié le 11/07/2017 à 18:26 dans Risques psychosociaux.

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Les représentants syndicaux ne sont pas à l’abri de commettre des faits de harcèlement moral.

Les faits

Un délégué syndical, reconnu comme « très investi dans ses fonctions » et « efficace dans ses actions » est poursuivi pour délit de harcèlement moral par des cadres de la société. Les attestations produites en justice dépeignent unanimement ce salarié « comme provocateur, hystérique, outrancier, ayant l’habitude de rentrer dans les bureaux sans frapper, hurlant », et se complaisant à clamer que c’est lui qui dirige. Les réunions étaient « conflictuelles, marquées par des interruptions et interventions intempestives » de l’intéressé et « étaient suivies d’invectives dans le restaurant d’entreprise, et dans les bureaux des cadres ».

Ce qu’en disent les juges

Les juges admettent le harcèlement moral. Ils condamnent l’intéressé à une peine de prison avec sursis assortie d’une amende et à indemniser chacune de ses victimes.

Ils ont en effet relevé « des propos injurieux et humiliants, touchant les personnes, leur physique, leurs tenues vestimentaires, leur passé professionnel, leur probité, à être très près de leur visage au point qu’ils se sentent physiquement menacés ». Pour ces juges, ces agissements « n’étaient nullement nécessaires pour mener à bien des actions syndicales dans l’intérêt des salariés ». De tels comportements « irrespectueux de la personne humaine, répétés, systématiques et inadaptés par rapport à l’exercice normal et loyal de l’action syndicale, étaient à l’évidence volontaires avec pour but d’intimider, déstabiliser et atteindre la personne même des cadres constituant la direction de l’établissement et, par là même, leur porter un préjudice personnel ».

Il faut préciser que ce salarié syndicaliste avait déjà été en conflit avec la précédente équipe de cadres dirigeants et que le précédent codirecteur et la précédente DRH avaient démissionné ou avaient fait l’objet d’arrêt de travail pour dépression.

Quant aux membres de la nouvelle équipe, « leurs souffrances se sont matérialisées par des arrêts de travail, la nécessité de traitements par anxiolytiques, un suivi psychologique, une demande de changement de service » pour trois d’entre eux. Le DRH avait également eu un arrêt de travail qui avait « nécessité un traitement et un suivi psychologique ». Il avait même démissionné au bout d’un an, « alors qu’il avait une longue expérience dans les ressources humaines ». Quant au directeur de la sécurité qui avait « également fait l’objet d’un arrêt de travail suivi d’un traitement », il avait « demandé à quitter son poste de responsable de sécurité pour revenir à son poste antérieur au service maintenance du magasin ».

L’expertise psychiatrique demandée concluait « à une personnalité psychorigide, paranoïaque, mégalomane, dans la toute puissance, procédurière, ayant la conviction inébranlable d’être victime d’un complot ».

Dès lors, pour les juges, « compte tenu des circonstances dans lesquelles ils s’étaient déroulés, leurs conséquences sur la santé et l’avenir professionnel des victimes, il était établi que ces comportements avaient eu pour objectif et pour effet de dégrader les conditions de travail des parties civiles, portant ainsi atteinte à leur dignité et altérant leur santé physique ou mentale ». Le délit de harcèlement moral est « caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnels ».

Cour de cassation, chambre criminelle, 17 mars 2015, n° 13–87037 (un DS peut commettre des faits de harcèlement moral)