Harcèlement moral et charge de la preuve

Publié le 22/07/2015 à 07:50, modifié le 11/07/2017 à 18:27 dans Risques psychosociaux.

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Dès lors que les faits laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral, le juge doit apprécier les éléments fournis par l’employeur pour démontrer que les agissements ne sont pas constitutifs de faits de harcèlement.

Les faits

Mme X… , salariée, a été en arrêt maladie du 20 août 2010 au 10 novembre 2010, date à laquelle elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail. Soutenant avoir été victime de harcèlement moral, elle a saisi la juridiction prud’homale de demandes tendant à dire que la rupture du contrat de travail produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner son employeur au paiement de diverses sommes.

Ce qu’en disent les juges

La cour d’appel rejette les demandes de la salariée au titre du harcèlement moral et de la rupture du contrat de travail, les juges retenant que les faits de harcèlement ne sont pas démontrés.

Pour ce faire, ils listent les attestations produites par l’intéressée :

  • une attestation établie par son concubin qui fait état d’une réflexion désobligeante de l’employeur à l’égard de l’intéressée, mais les juges doutent de son objectivité ;
  • une attestation établie par un témoin, qui fait état de l’attitude désagréable et injurieuse de M. Y… à l’égard de Mme X…, mais le témoin ne précise les circonstances dans lesquelles il a été amené à faire ces constatations ;
  • une attestation établie par M. Z… beau-frère de la gérante, avec laquelle ce dernier est en conflit, qui relate un fait de l’employeur s’analysant seulement comme un coup de colère ;
  • une attestation établie par une collègue de travail de la salariée qui se dit témoin de faits dans une boutique où elle ne travaillait pas ;
  • une attestation établie par une ancienne employée, attestation contestée par la gérante, aucun élément ne venant corroborer les déclarations du témoin.

La cour note également que les certificats médicaux versés aux débats font état d’un trouble dépressif en situation de désadaptation professionnelle, que cependant « même un médecin psychiatre, qui a vu deux fois sa patiente, ne peut donner un diagnostic qui ne repose que sur les propos que cette dernière a bien voulu lui tenir ».

Mais la Cour de cassation rappelle qu’en matière de harcèlement, l’article L. 1154–1 du Code du travail aménage la charge de la preuve.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, 16 juin 2015, n° 13–27974 (pdf | 6 p. | 63 Ko)

Ainsi, le salarié qui s’estime victime de harcèlement doit rapporter des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au juge ensuite, dans son appréciation de prendre en compte l’ensemble des éléments apportés par le salarié. Si le juge considère que les faits laissent présumer l’existence d’un harcèlement, il appartient alors à l’employeur de rapporter la preuve que les agissements reprochés s’expliquent par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Et en l’espèce l’intéressée produisait des témoignages de comportements injurieux et déplacés de la part de son responsable et des certificats médicaux relevant une dégradation de son état de santé. Pour la Cour de cassation, il y avait bien de quoi présumer de l’existence d’un harcèlement. Les juges de la cour d’appel auraient dû demander à l’employeur d’établir par des éléments objectifs que ces agissements étaient étrangers à tout harcèlement.

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Cour de cassation, chambre sociale, 16 juin 2015, n° 13–27974 (lorsque l’existence d’un harcèlement est présumée, l’employeur doit démontrer que les faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement)