Harcèlement moral : l’atteinte à la dignité et à la santé de la victime n’est pas une condition initiale

Publié le 07/04/2016 à 07:02, modifié le 11/07/2017 à 18:27 dans Accident du travail.

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Pour caractériser le délit de harcèlement moral, il n’est pas nécessaire que les agissements en cause aient eu, dès le départ, pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité et à la santé de la victime.

Les faits

Dans un contexte de forte mésentente une aide-soignante est mise à l’écart par 6 autres de ses collègues aides-soignants.

En cause, une « ligne de planning dérogatoire » dont bénéficiait l’aide-soignante qui se plaint de harcèlement moral, et qu’elle refuse de restituer, ce qui est vécu dans l’équipe comme un « avantage indu ». Dès lors, les relations de travail se dégradent. L’un des 6 aides-soignants décide de mettre à l’écart sa collègue. Il est suivi par les autres.

La médecine du travail effectue un signalement qui sera suivi d’une enquête interne, puis d’une plainte d’une aide-soignante de l’hôpital, qui débouche sur l’ouverture d’une information pour harcèlement moral envers ses 6 collègues, renvoyés devant le tribunal correctionnel.

Ce qu’en disent les juges

Les 6 aides-soignants mis en cause sont condamnés par le tribunal correctionnel pour harcèlement moral. Les juges retiennent « la mise à l’isolement accompagnée d’un comportement général comprenant des actes diversifiés et réitérés, l’ensemble ayant pour conséquence la dégradation des conditions de travail de la victime pouvant porter atteinte à son intégrité physique et psychologique ».

L’hôpital et le procureur font appel.

La cour d’appel réforme ce premier jugement, déboutant l’aide-soignante de ses demandes, considérant que cette « mésentente », comme un « acte unique perdurant pendant une période donnée vécue par l’aide-soignante comme un ostracisme du seul groupe en cause à son encontre ».

La cour d’appel note que l’aide-soignante s’isolait elle-même, qu’elle a eu « une ou plusieurs altercations » avec ses collègues (qu’elle ne nie d’ailleurs pas).

Aussi, si la cour d’appel veut bien supposer avérés les faits répétitifs allégués (repas jetés ou dégradés, disparition volontaire de tenues de travail, menaces anonymes), elle note aussi « la surcharge de travail » et « l’inaction apparente de la hiérarchie », qui ont « très largement contribué à la dégradation des conditions de travail ».

Pour ces juges, cela ne suffit pas à « constituer le délit reproché » aux 6 prévenus d’autant qu’ « il n’est pas établi que cette décision de mise à l’écart […] ait eu pour objet ou pour effet d’attenter à la dignité et à la santé de leur collègue ».

Mais la Cour de cassation rejette cette analyse estimant que la cour d’appel « a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas ».

Et de préciser que la cour d’appel « ne pouvait écarter la qualification de harcèlement moral en se fondant sur le fait que la décision de mise à l’écart n’aurait pas eu initialement pour objet ou pour effet d’attenter à la dignité et à la santé de leur collègue, quand une telle circonstance était inopérante dès lors que cette mise à l’écart avait fini par avoir un tel objet ou un tel effet ».

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Cour de cassation, chambre criminelle, 26 janvier 2016, n° 14–80.455 (pour que le harcèlement moral soit reconnu, il n’est pas nécessaire que les agissements en cause aient eu, dès le départ, pour objet ou pour effet d’attenter à la dignité et à la santé de la victime)