Harcèlement moral : précision sur le point de départ du délai de prescription
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La fixation du point de départ de la prescription constitue un exercice délicat dans le cadre de multiples contentieux. L’intensité de cette difficulté peut être renforcée lorsqu’une action en justice est engagée sur le fil du délai applicable. Saisie d’un litige relatif au harcèlement moral, la Cour de cassation vient de formuler une nouvelle précision décisive.
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Harcèlement moral : rappel des règles relatives à la prescription
Un salarié victime de faits de harcèlement moral est en droit de solliciter l’indemnisation de son préjudice, moral ou corporel.
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Le harcèlement moral se définit comme le fait pour le salarié :
- de subir des agissements répétées ;
- ayant pour effet ou pour objet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Ce dernier dispose alors d’un délai de cinq ans pour saisir le conseil de prud’hommes. Toute demande formulée au-delà de cette période ne sera plus recevable puisque prescrite.
Concernant plus spécifiquement le point de départ de cette prescription, celui-ci se situe au jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action en justice. Plus précisément encore, la prescription ne commence à courir qu’à compter du dernier acte constitutif du harcèlement.
Seulement, il se peut que cette ultime manifestation survienne dans les derniers instants du contrat de travail. Mais alors, si le salarié en prend connaissance après la rupture de son contrat, le point de départ de la prescription peut-il glisser à cette date ? La Cour de cassation vient de trancher et la réponse est négative.
Date de la cessation du contrat de travail : ultime point de départ de la prescription
En l’espèce, une salariée, alors employée d’accueil auprès d’un notaire, est licenciée le 16 juillet 2008. A l’issue d’un préavis de trois mois, elle quitte définitivement l’entreprise le 16 octobre 2008. Presque cinq ans plus tard, le 16 septembre 2013, elle engage une action en justice. Soutenant être victime de harcèlement moral, elle sollicite le versement de dommages-intérêts.
Sa demande est accueillie favorablement par les juges d’appel. L’employeur conteste et forme un pourvoi.
Devant la Cour de cassation, les débats se concentrent autour du point de départ de la prescription.
En effet, la cour d’appel avait jugé que l’action de la salariée n’était pas prescrite. Et pour cause, les juges estimaient que le dernier fait de harcèlement était constitué par un courrier envoyé le dernier jour du préavis de la salariée, soit le 16 octobre 2008. Cette dernière était donc autorisée à introduire une action en justice jusqu'au 16 octobre 2013.
La Cour de cassation contredit cette analyse pour s’aligner à l’argumentaire de l’employeur.
Les juges rappellent tout d’abord qu’un fait, pour être susceptible de caractériser un agissement de harcèlement moral, doit être connu du salarié. Ces derniers précisent ensuite que le point de départ du délai de prescription ne peut être postérieur à la date de cessation du contrat de travail.
Dans le cadre du présent litige, le courrier en question pouvait constituer la dernière manifestation du harcèlement. Pour autant, la salariée devait démontrer qu’elle en avait pris connaissance au cours de son dernier jour de travail, le 16 octobre 2008, soit le même jour que son envoi.
Mais la Cour de cassation constate que, au regard des éléments présentés, rien ne le prouvait. Au contraire, il semblerait que cette prise de connaissance soit intervenue après. Par conséquent, la date du 16 octobre 2008 ne pouvait, en l’état, être retenue comme point de départ de la prescription.
Elle décide donc de renvoyer les parties devant la cour d’appel. L’issue du litige dépendra donc des arguments présentés par chacune des parties :
- soit il est démontré que la salariée a pris connaissance de la lettre le jour même de son envoi : l’action de cette dernière sera donc recevable car non prescrite ;
- soit il est démontré que la salariée a pris connaissance de la lettre postérieurement à son envoi et donc à la rupture de son contrat : la recevabilité de son action dépendra donc de la nouvelle date retenue comme point de départ de la prescription.
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Cour de cassation, chambre sociale, 19 avril 2023, n° 21-24.051 (le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du harcèlement moral ne peut être postérieur à la date de cessation du contrat de travail)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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