Homicide involontaire et faute inexcusable de l’employeur : quel lien ?

Publié le 14/11/2018 à 08:30 dans Obligations de l’employeur.

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Une décision pénale peut-elle avoir des effets sur une action - civile - visant à faire reconnaitre la faute inexcusable de l’employeur ? Plus précisément, un employeur déjà condamné pour homicide involontaire sur la personne de son salarié peut-il soutenir ne pas avoir eu conscience du danger auquel était exposé son collaborateur ? La Cour de cassation répond.

Homicide involontaire et faute inexcusable : définitions

L’homicide involontaire est une infraction pénale consistant à causer la mort d'autrui par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement (Code pénal, art. 221-6 à 221-7). Il constitue un délit et le tribunal correctionnel est compétent en la matière.

Au civil, le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) peut être amené à se prononcer sur l’existence d’une faute inexcusable en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Cette faute sera reconnue si :

  • l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié ;
  • et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Si la faute inexcusable est reconnue, elle peut permettre d'obtenir une majoration de la rente d'incapacité permanente et la réparation intégrale des préjudices subis et non indemnisés par la rente (exemple : souffrances physiques et morales, préjudices esthétiques et d'agrément, etc.).

Si un homicide involontaire est reconnu au pénal, existe-t-il une incidence sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable au civil ?

Homicide involontaire, faute inexcusable et nécessaire conscience du danger

Oui, nous répond la Cour de cassation le 11 octobre dernier. Dans cette affaire, un salarié, chef de chantier, est occupé à la rénovation d’un système de protection anti-incendie et doit pour cela monter sur une nacelle. Il est victime d’un accident mortel. Dans son P.V., l’inspecteur du travail relève entre autres « le caractère inapproprié de la plate-forme élévatrice mobile de personnel utilisée, l'encombrement de l'engin et le manque d'espace existant ». Au pénal, le tribunal correctionnel condamne l’employeur pour homicide involontaire commis dans le cadre du travail.

Au civil, la veuve et les 3 enfants de la victime engagent par ailleurs une action pour faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.

Celui-ci soutient notamment qu’il « ne peut y avoir faute inexcusable (…) lorsque le salarié était, en raison de sa formation et de ses attributions, parfaitement en mesure d'éviter l'accident ».

Ces arguments peuvent-ils être retenus ? Et l’employeur peut-il soutenir ne pas avoir eu conscience du danger et avoir pris les mesures nécessaires ?

Non. La Cour de cassation affirme ici que « la chose définitivement jugée au pénal s'imposant au juge civil, l'employeur définitivement condamné pour un homicide involontaire commis, dans le cadre du travail, sur la personne de son salarié et dont la faute inexcusable est recherchée, doit être considéré comme ayant eu conscience du danger auquel celui-ci était exposé et n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ».

Equation simple au final : Homicide involontaire = Réunion des conditions Conscience du danger + Absence de mesures prises pour préserver le salarié. Et faute inexcusable bien sûr.

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Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 octobre 2018 n° 17-18.712 (la chose définitivement jugée au pénal s'imposant au juge civil, l'employeur définitivement condamné pour un homicide involontaire commis, dans le cadre du travail, sur la personne de son salarié et dont la faute inexcusable est recherchée, doit être considéré comme ayant eu conscience du danger auquel celui-ci était exposé et n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver)

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Sabine Guichard

Sabine Guichard, juriste de droit social de formation, a successivement occupé des postes en entreprise et fédération professionnelle, d'abord en conseil puis de manière opérationnelle. Aujourd'hui, …