Humour ou injure ? Telle est la question
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De nombreux propos injurieux sous couvert d’humour
En décembre dernier, la Cour de cassation a statué sur le cas d’un salarié qui se démarque par la récurrence de propos injurieux ou offensants.
Selon les mots rapportés, il a traité des collègues de travail de « Kate Moss Moche », de « merdeuse de chti », de « naine », ou de « ritale ».
Il a également rebaptisé « le CAT » un service où travaillent deux collègues en situation de handicap.
A une autre collègue, de nationalité italienne, il a demandé en réunion « comment dit-on lèche-cul en italien ? » avant de répondre que la bonne traduction était le nom de famille de cette collègue.
Selon l’auteur de ces propos, il s’agit d’humour.
Les paroles peuvent blesser et nuire à la santé
La Cour de cassation a confirmé que de tels propos sont des injures et que son employeur était en droit de licencier l’auteur pour faute grave.
En effet, les entreprises sont tenues, à l’égard de chaque salarié, d’une obligation de sécurité qui impose de prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé physique et mentale (Code du travail, art. L. 4121-1).
En outre, les employeurs doivent planifier la prévention en y intégrant « les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel (…) ainsi que ceux liés aux agissements sexistes » (Code du travail, art. L. 4121-2).
De la même façon, tout agissement en lien avec un critère de discrimination, subi par un salarié et « ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » peut constituer une discrimination (art. 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008).
Un licenciement du salarié auteur de propos répétés qui pourraient relever du harcèlement ou de la discrimination semble donc constituer une réponse appropriée de l’entreprise pour satisfaire à ses obligations.
Humour ou injure : comment faire la différence ?
Plusieurs indicateurs permettent de supposer que les limites de la liberté d’expression ont été dépassées :
- quand la moquerie cible des personnes concernées par un ou plusieurs critères de discrimination : sexe, apparence physique, nationalité, handicap, etc. ;
- quand des collègues font remarquer que c’est blessant ;
- quand les personnes visées expriment un malaise ou tentent d’éviter l’auteur.
Agir contre les propos injurieux
Il est courant de sous-estimer la portée de ces discours toxiques. Pourtant, les entreprises ont tout intérêt à s’en préoccuper, tant pour préserver la santé de leurs salariés que pour améliorer l’ambiance de travail et la productivité.
La première étape est de poser le cadre, d’afficher clairement que des propos injurieux ou stigmatisants ne sont pas acceptables et sont passibles de sanctions.
Vous pouvez associer les représentants du personnel pour déterminer l’angle le plus approprié : prévention des harcèlements et de la discrimination, lutte contre les violences au travail, etc.
Dans un deuxième temps, sensibilisez l’ensemble des managers et des équipes sur les impacts des propos injurieux et des agressions verbales, sur les limites de l’humour et sur le respect entre collègues.
N’hésitez pas à informer les salariés qu’ils sont en droit de se plaindre s’ils subissent de tels propos.
Enfin, recadrez les auteurs de discours toxiques. Vous pouvez les sanctionner en fonction de la répétition de tels propos ou de la gravité des impacts pour les collègues.
Pour bénéficier d’un éclairage législatif et réglementaire en santé-sécurité au travail et des précisions apportées par la Cour de cassation les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Réglementation et jurisprudence en santé sécurité au travail ».
Cour de cassation, chambre sociale, 8 décembre 2021, n° 20-15-798 (des propos injurieux et offensants à l’égard d’autres salariés peuvent justifier un licenciement pour faute grave)
Chargé de mission qualité de vie au travail
Chargé de mission qualité de vie au travail, j'oeuvre sur différents sujets relevant de ce domaine : prévention et évaluation des risques psychosociaux, prise en compte de la qualité de vie au …
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