Impossible de contrôler les salariés à leur insu

Publié le 12/09/2012 à 00:00, modifié le 11/07/2017 à 18:23 dans Obligations de l’employeur.

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Si l’employeur a le droit de contrôler l’activité de ses salariés, il ne peut, en revanche, pas leur tendre des pièges dans le but de prouver d’éventuelles fautes de leur part.

Dans une affaire jugée le 4 juillet dernier, la Poste, pour répondre à un nombre accru de réclamations concernant les lettres ouvertes qu’elle recevait, avait eu recours à des lettres dites « festives » (lettres ayant la particularité de diffuser une encre bleue si elles sont ouvertes) pour trouver le (ou la) coupable.

Une factrice, « piégée » par son employeur alors qu’elle ouvrait les lettres qu’elle était censée transporter, est licenciée pour faute grave.

La Cour de cassation a considéré que l’utilisation de lettres piégées à l’insu du personnel constitue un stratagème rendant illicite le moyen de preuve obtenu et par suite, le licenciement de la salariée.

Toute preuve obtenue dans ces conditions, à l’insu des salariés, est considérée comme illicite par les tribunaux et ne peut donc être invoquée en vue de sanctionner les fautes commises par les intéressés. Car même si les intérêts que l’employeur entend protéger sont légitimes, la Cour de cassation considère que les moyens employés portant atteinte à l’intimité de la vie privée sont disproportionnés.

Cour de cassation, chambre sociale, 4 juillet 2012, n° 11–30266 (pdf | 4 p. | 58 Ko)

Ce principe s’appliquera également lorsque la « ruse » vise à confondre un salarié qui commet des actes en dehors de son temps de travail.

Ainsi, l’employeur qui soupçonne le salarié de commettre des actes fautifs en dehors de son temps de travail (par exemple de travailler pendant un arrêt maladie ou d’exercer une activité concurrente après son travail) peut être tenté de mandater des personnes pour espionner le salarié à son insu et le tromper. Mais ce type de procédé, clandestin et déloyal, est interdit.

La Cour de cassation a ainsi estimé qu’étaient irrecevables les attestations établies par des salariés d’EDF qui, après avoir été mandatés par leur chef de centre, s’étaient rendus dans le restaurant tenu par l’épouse d’un salarié, en se présentant comme de simples clients, sans révéler leur qualité ni le but de leur visite, pour surprendre ce salarié soupçonné d’assurer le service du restaurant pendant son temps de travail. Pour défendre la licéité de ce mode de preuve, EDF expliquait que ces salariés ne s’étaient pas cachés, qu’ils avaient agi comme de simples clients et que le restaurant était ouvert au public et non un lieu privé. La Cour de cassation a cependant condamné une telle pratique, qu’elle a jugée déloyale et clandestine (Cass. soc., 18 mars 2008, n° 06–45093).


Cour de cassation, chambre sociale, 4 juillet 2012, n° 11–30266 (l’utilisation de lettres piégées à l’insu du personnel constitue un stratagème rendant illicite le moyen de preuve obtenu)