Inaptitude professionnelle : l’employeur doit avoir connaissance du lien même partiel avec un accident du travail ou une maladie professionnelle
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Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, il peut, si son inaptitude est en lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle, bénéficier d’une indemnisation supplémentaire. Pour autant, faut-il que l'employeur ait eu connaissance du lien entre l’inaptitude et cet accident ou maladie professionnelle. À défaut, l'indemnité spéciale n’est pas due.
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Inaptitude professionnelle : rappel du régime de l’indemnité spécifique
L'inaptitude au poste de travail se définit comme l'incompatibilité entre l'état de santé du salarié et son poste de travail.
Lorsque le salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et qu’il est par la suite reconnu inapte par le médecin du travail, l’employeur qui ne peut pas reclasser le salarié peut le licencier pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Ce licenciement permet au salarié d’obtenir des indemnités plus favorables qu’un licenciement pour inaptitude non professionnelle ou un licenciement classique.
Ainsi, il bénéficie d’une indemnité d’un montant équivalent à l’indemnité compensatrice de préavis, alors même qu’il n’est pas en mesure d’exécuter son préavis.
Il peut aussi prétendre au versement d’une indemnité spéciale de licenciement correspondant au double de l’indemnité légale, sauf si l’indemnité conventionnelle est d’un montant plus important, auquel cas cette indemnité conventionnelle s’appliquera en lieu et place de l’indemnité spéciale.
Pour autant, ces règles plus favorables applicables aux salariés inaptes, victimes d'accident du travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP), s'appliquent dès lors que l’inaptitude, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et l'employeur a connaissance de cette origine professionnelle à la date du licenciement.
C’est ce que vient de réaffirmer récemment la Cour de cassation.
Indemnité spéciale : elle est due si l’inaptitude est en lien avec cet AT/MP et que l’employeur en avait connaissance
L’inaptitude professionnelle doit avoir pour origine, même partielle, un accident du travail ou une maladie professionnelle dont l’employeur doit avoir connaissance au moment du licenciement.
C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans un arrêt récent du 14 septembre 2022, confirmant sa position en la matière.
Dans cette affaire, une salariée, engagée en qualité de préparatrice par une société d’édition, est en arrêt maladie à compter du 27 septembre 2013. Le médecin du travail, au détour de deux examens médicaux, dont le dernier est organisé le 12 février 2015, la déclare inapte à son poste. Le 19 mars 2015, elle est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La cour d’appel de Paris, le 26 novembre 2020, condamne l’employeur à verser à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis ainsi que de congés payés et l’indemnité spéciale de licenciement prévue pour les licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle.
La cour d’appel considère ainsi que l’inaptitude de la salariée était d’origine professionnelle et que l’employeur lui devait donc bien, notamment, l’indemnité spéciale prévue par la loi. Pour aboutir à cette décision, les juges se sont basés sur des pièces médicales produites par la salariée, et établissant un lien entre des faits de harcèlement moral et la dégradation de son état de santé, situation qui a conduit à l’inaptitude de la salariée.
L’employeur, insatisfait de cette décision, forme un pourvoi devant la Cour de cassation.
A l’appui de son pourvoi, l’employeur rappelle que les salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle bénéficient d’un régime spécifique (notamment le doublement de l’indemnité de licenciement) lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a pour origine, même partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle, et que cet AT/MP doit être connu de l'employeur au moment du licenciement.
Ce qui ne semblait pas être le cas ici.
Et l’employeur a eu raison de persister. La Cour de cassation, au visa de l’article L. 1226-10 du Code du travail, casse et annule la décision de la cour d’appel de Paris.
Les hauts magistrats vont considérer que la cour d’appel n’a :
- ni constaté que l’inaptitude avait, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle ;
- ni vérifié que l’employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement.
Or ces deux conditions sont cumulatives pour permettre l’application du régime spécifique aux inaptitudes d’origine professionnelle. La cour d’appel n’a pas tenu compte des arrêts de travail initiaux ainsi que des arrêts de prolongation qui avaient une cause de maladie “de droit commun”. L’employeur ne pouvait alors valablement deviner un éventuel caractère, même partiel, professionnel de ces arrêts.
L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel pour être rejugée.
Cour de cassation, chambre sociale, 14 septembre 2022, n° 21-11.278 (l’inaptitude professionnelle doit avoir pour origine, même partielle, un accident du travail ou une maladie professionnelle dont l’employeur doit avoir connaissance au moment du licenciement)
Juriste droit social
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