L’absence de visites médicales pendant 30 ans ne suffit pas pour résilier le contrat aux torts de l’employeur !
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Résiliation judiciaire du contrat : le salarié doit prouver de graves manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles
Le contrat de travail peut être rompu de plusieurs manières notamment le licenciement par l’employeur, la démission par le salarié. Il existe d’autres modes de ruptures plus atypiques, par exemple ceux basés sur le manquement de l’employeur à ses obligations contractuelles.
C’est notamment le cas de la résiliation judiciaire du contrat.
Ainsi, lorsque le salarié constate de graves manquements de son employeur à ses obligations contractuelles, il peut saisir la juridiction prud’homale pour demander à rompre le contrat aux torts de ce dernier.
En pratique le salarié, auquel l’initiative de la résiliation judiciaire est exclusivement réservée, peut saisir le conseil de prud’hommes compétent afin qu’il détermine si les faits reprochés à l’employeur justifient ou non la résiliation judiciaire du contrat.
Les conseillers prud’homaux peuvent décider que les faits sont suffisamment graves, auquel cas la poursuite du contrat est impossible. Ils prononcent la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ce qui permet de requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les conseillers prud’homaux peuvent aussi considérer que les faits ne sont pas suffisamment graves, de telle sorte que la poursuite du contrat s’impose. Dans ce cas, le salarié reste en poste et le contrat se poursuit.
Mais quels peuvent être les faits « suffisamment graves » justifiant le prononcé d’une résiliation judiciaire du contrat par les juges ? Les manquements aux obligations relatives à la santé et à la sécurité du salarié par l’employeur peuvent-ils justifier une résiliation judiciaire ?
Les juges apprécient sévèrement les manquements de l’employeur. Ainsi des faits trop anciens et ne faisant pas obstacle à la poursuite du contrat ne suffiront pas à rompre le contrat aux torts de l’employeur.
Absence de visite médicale pendant 30 ans : ce seul élément ne constitue pas un manquement suffisamment grave pour résilier le contrat
C’est ce qui a été jugé dans l’arrêt ici commenté à propos d’une salariée qui n’avait jamais passée de visite médicale (embauche et périodique) durant toute sa relation de travail, jusqu’à ce qu’elle soit en arrêt maladie.
En effet, la salariée, embauchée en qualité de VRP multicartes le 1er octobre 1985, est en arrêt de travail du 13 septembre 2013 au 31 mars 2014. Elle effectue une visite de reprise auprès des services de santé au travail le 24 avril 2014, le médecin du travail la déclarant apte à son poste.
Pendant son arrêt maladie, la salariée introduit une action judiciaire auprès du conseil de prud’hommes afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat. Elle reproche à son employeur le non-respect de son obligation de sécurité car ce dernier ne lui aurait jamais fait passer de visites médicales en 30 ans de relations de travail… du moins jusqu’à la visite de reprise du 24 avril 2014.
La cour d’appel déboute la salariée de ses demandes en retenant qu’en s’abstenant de programmer les visites médicales obligatoires pendant 30 ans, la société n’a pas manqué à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi. Elle reproche notamment à la salariée d’avoir invoqué « très tardivement » l’absence de visite médicale d’embauche et périodique pour fonder sa demande de résiliation judiciaire. Cet argument à lui seul ne suffit pas pour justifier une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
La salariée forme alors un pourvoi en cassation contre cette décision.
En vain ! La Cour de cassation rejette son pourvoi et suit le raisonnement de la cour d’appel. Elle retient que la salariée ne rapportait qu’un unique grief contre l’employeur à l’appui de sa demande de résiliation judiciaire : l’absence de visites médicales d’embauche et périodique.
Ce n’était pas suffisant pour considérer que ce manquement fait obstacle à la poursuite du contrat…
Attention toutefois, si en l’espèce le caractère tardif de l’action a prévalu, la Cour de cassation a déjà jugé à plusieurs reprises que l’absence de suivi médical pouvait constituait un manquement grave. Il est donc primordial pour l’employeur de rester vigilant concernant ses obligations. Pour tout savoir sur le suivi médical des travailleurs en 2017, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Réglementation en Santé Sécurité au travail ». Vous pouvez également télécharger un tableau récapitulatif sur le sujet :
Audrey Gillard
Juriste droit social & santé travail
Cour de cassation, chambre sociale, 29 mars 2017, n° 16–10.545 (l’absence de visite médicale pendant 30 ans n’est pas un élément qui a lui seul permet de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur)
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