La conscience de soi
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Dans l’une de ses dernières entrevues, Aurélien Barrau, astrophysicien, philosophe et écologiste déclare : « nous sommes des vivants qui n’aimons pas la vie ». Il ajoute que le vrai danger de cette planète, ce n’est pas le défi climatique mais bien notre incapacité à définir une vision du monde qui répondrait à la question essentielle : « Que voulons-nous devenir ? ». Voilà l’objet de la conscience de soi.
Le « devenir » au travail est une question tout aussi fondamentale. Comment engager des actions, comment justifier des décisions si nous ne répondons pas à cette question ? Y réfléchir, c’est prendre conscience de la manière dont nous agissons en confrontant les problèmes à la direction que nous prenons. Cela questionne notre place, notre responsabilité, notre sens du devoir mais aussi celui de l’éthique, face à notre environnement professionnel, face à l'organisation, face à ce que l’on dit vouloir, attendre, exiger.
L’exercice, qui parait pourtant simple, est en réalité complexe confronté à une offre de divertissement et d’évitement aujourd’hui très large, dense et savamment calculée. Nous sommes investis, sans conscience, à trouver les réponses à nos désirs primaires, individualistes, réponses futiles capables de ridiculiser la connaissance et la valeur du lien social. Nous sommes coupables de notre désengagement collectif.
La solution durable : cultiver un état d’esprit
Si la santé des organisations prône avec une telle ferveur la nécessité de cultiver un état d’esprit, c’est qu’il s’agit du seul moyen pour nourrir la conscience de ce que nous sommes et de ce que nous pouvons devenir. L’état d’esprit est une composante durable. La conscience de soi, au travail ou ailleurs, oblige à endosser le rôle d’acteur et de sortir de cette complaisance cupide, mégalomane et prédatrice du « je suis merveilleux ».
Le développement du potentiel humain est ce qui permet l’épanouissement (Harvard 2015) : avoir envie de devenir, de découvrir, d’apprendre, etc. Ce qui signifie qu’il faut donc mieux-faire pour mieux-être et non le contraire. Il faut aussi changer le discours de « ce à quoi j’ai droit » en « est-ce que ce que je fais correspond bien à l'idée de ce que je veux que le monde devienne ? ».
Au travail, nous voulons résorber les contradicteurs, nous encourageons la soumission, l’empathie du pouvoir qui favorise pourtant l’exclusif et l’exclusion. A espérer convoiter des systèmes professionnels linéaires, lisses et d’un ennui contagieux, nous finissons par n’être qu’un ramassis d’oppressions émotionnelles qui ne font que désenchanter le modèle qui, de toute façon, ne sera jamais atteint.
Accepter qui nous sommes
Il n’y a qu’un moyen de nous débarrasser des peurs qui nous inhibent : nous voir tels que nous sommes, au lieu de fantasmer sur tout ce que nous ne sommes pas. Et parfois oui, effectivement, accepter de nous décevoir, parce que la réalité nous oblige à accepter le fait que l’humain n’est pas si merveilleux que cela. Il l’est, mais dans sa capacité de liberté d’être, sinon, il devient générateur de haine, de prétentions sordides, imbibé de croyances lunaires et par ses illusions massacre la naïveté de l’enfant si indispensable à l’envie de découvrir et se découvrir… oui cette naïveté, sacrée chez l’enfant mais aussi en soi-même.
Nous ne sommes pas exclusivement fragiles, nous portons nos tempéraments, nos frustrations, nos révoltes, nous vivons aussi nos combats individuels, nous défendons nos convictions, parfois maladroitement, parfois en débordant, parfois en n’étant pas ou en n’agissant pas en fonction de ce qui est attendu… Mais nous vivons. Et si nous étions davantage conscients de cette nécessité, si nous étions plus lucides et responsables de nous, individuellement, la révolte de l’autre qui manifeste ses désirs de justice ou ses exaspérations devant l’inertie, devant la souffrance, ou tout simplement sa souffrance à vivre parfois, rien de tel ne serait une menace à notre équilibre face à l’autre. Nous le verrions comme une couleur de plus qui se dépose sur la toile de la vie.
L’état d’esprit est juste ce fil qui nous rappelle pourquoi nous sommes là, dans un endroit commun défini… qu’est ce qui nous permet de nous identifier collectivement, de réussir dans le cadre du travail ou ailleurs dans la vie « ensemble ». Car c’est bien ce dont il s’agit.
C’est une mise en garde essentielle de la santé des organisations. La santé, c’est aussi être capable d’être soi-même, d’accepter nos différences aussi sombres, belles ou lumineuses soient-elles. Elle fait de nous qui nous sommes et la conscience est ce qui nous permet de faire de ce que nous n’aimons pas de nous un tremplin pour choisir ce que nous voulons devenir.
La conscience, c’est devenir humble et c’est assumer que nous avons une responsabilité face à la souffrance des autres, aussi loin de nous ces autres soient-ils.
Québécoise au parcours atypique, d’abord psychologue clinicienne dans une large institution de santé, j’ai été rapidement saisie par l’impact du climat de travail sur les comportements, et, au même …
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