Le processus décisionnel : une question d’objectivité malmenée ?
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Au travail ou dans la vie privée, le processus décisionnel est en grande souffrance et s’éreinte, pour ne pas dire se fracasse, face à nos incohérences.
Dans le cadre professionnel, ce sont au minimum 25 % des décisions qui ne répondent jamais aux problèmes posés et dans de nombreuses circonstances ce taux dépasse les 50 %. Et quand nous ne répondons pas au problème posé parce que nous avons écarté les outils pouvant assurer un minimum d’objectivité, alors nous créons de nouveaux problèmes, jusqu'alors inexistants, charge aux managers de les résoudre. Il ne faut pas chercher pourquoi tant d’entre eux souffrent de manque de sens au travail. Mais cela vient conforter l’idée que la plus grande dysfonction organisationnelle reste définitivement l’évitement.
Sans trop de contestation ou d’opposition, nous baignons tous les jours dans cet évitement et nous nous habituons à contourner ce qui pourrait donner sens à ce que l’on fait mais surtout à qui nous sommes.
Favoriser un processus décisionnel structuré
Ce processus décisionnel génère aussi beaucoup d’anxiété chez le management, confronté à la peur décisionnelle pour de multiples raisons : environnement insuffisamment axé sur la confiance, milieu qui réfute les vulnérabilités, manque de communication et de dialogue sur les partages d’expériences, etc.
Un processus décisionnel structuré force une certaine confrontation à l’engagement et la responsabilité. Ce qui réduit, certes, la liberté mais réduit surtout les incohérences et les risques de dérives liées à sa subjectivité, qu’on a tant de mal à admettre. Et c’est bien pour cette raison que nous évitons.
Dans notre vie personnelle, nous parlons rarement en termes de processus décisionnel. Pourtant, sans en avoir pleinement conscience, nous établissons en quelque sorte le niveau de confiance aux autres en fonction de leur capacité à prendre des décisions et de la façon dont ces décisions sont prises, ainsi que ce qui va s'ensuivre (« faire ce que l’on dit »).
Si nous n’avons pas confiance en nous, dans la sphère personnelle ou professionnelle, notre processus décisionnel est en grande partie responsable de ce fait. Chaque fois que nous disons « oui » et que nous pensons « non », nous nous trahissons. Le moyen de ne pas rompre les liens de confiance avec soi-même : prendre des décisions non pas par soumission mais par conviction.
Affirmer ses choix
Les choix assumés, avec la conscience des risques que cela comporte, sont vécus bien différemment qu’une décision par soumission.
Lorsque nous sommes assujettis à la peur de prendre une décision ou de nous ’affirmer dans les choix que nous faisons, cette posture se vit, malgré soi, comme une forme de trahison. Cette façon de faire ne peut qu’altérer notre confiance en nous, au même titre qu’elle détériorerait la confiance dans les autres si nous étions témoins de ces formes de discrédit. Et cela se retrouve tout aussi au travail. D’ailleurs les études les plus sérieuses qui se sont penchées sur le processus décisionnel convergent dans le même sens : nous n’utilisons pas notre rationalité mais bien notre intuitivité en tout premier lieu, ensuite l’émotion et en dernier, la rationalité.
Donc, si nous n’avons pas conscience de la santé ou de la rectitude de notre processus décisionnel, nous risquons fort d’en subir les désagréables conséquences.
Il est d’époque de se plaindre de la direction que prend le Monde et d’énoncer des constats de plus en plus accablants. Nous avons une responsabilité partagée vis-à-vis de qui se passe autour de nous et avec nous. S’il est vrai que le devoir de cohérence face à la prise de décision est très contraignant, il met au grand jour notre immaturité, notre incapacité à avoir cette discipline que l’objectivité ou la rationalité impose. Pourtant la crédibilité ne s’établit jamais en fonction de ce que l’on pense de soi, mais bien de ceux qui nous observent. Au lieu de chercher la confiance, il faut viser la cohérence.
En santé des organisations, nous parlons des 4 « C » : Cohérence, Crédibilité, Confiance, Cohésion. Pourquoi ? Parce qu’il ne peut y avoir de cohésion sans confiance et il ne peut y avoir de confiance sans crédibilité, pas plus qu’il peut y avoir de crédibilité sans cohérence.
Québécoise au parcours atypique, d’abord psychologue clinicienne dans une large institution de santé, j’ai été rapidement saisie par l’impact du climat de travail sur les comportements, et, au même …
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