Licenciement concomitant à la dénonciation d’un harcèlement : précision importante sur la preuve du lien
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Le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié alors qu’il a dénoncé des faits de harcèlement est nul. Toutefois, la réponse est-elle identique si la lettre de licenciement n’évoque pas les faits de dénonciation de harcèlement par le salarié ? La réponse ambivalente est donnée par deux arrêts récents de la Cour de cassation.
Dénonciation d’un harcèlement : quelques rappels
Le salarié qui dénonce des faits présumés ou avérés de harcèlement bénéficie d’une protection contre toute mesure disciplinaire qui pourrait être prise en réaction à cette dénonciation.
Ainsi toute rupture du contrat de travail intervenue en conséquence est nulle.
Le salarié peut demander soit à être réintégré dans l’entreprise soit à être indemnisé au titre de la nullité de son licenciement.
L'employeur ne peut pas licencier un salarié pour le motif d'avoir dénoncé des faits de harcèlement sauf à ce qu’il ait été de mauvaise foi.
Dans la plupart des affaires, les employeurs évoquent dans le courrier de licenciement les faits de harcèlement comme étant l’élément direct ou indirect fondant la mesure de licenciement. Dans un tel cas, le lien entre la dénonciation des faits de harcèlement et le licenciement est avéré et permet, sauf mauvaise foi, de prononcer la nullité de la mesure.
Mais parfois, les situations sont plus complexes, notamment lorsque l’employeur motive sa mesure de licenciement par un motif tout à fait étranger.
Comment prouver le lien de causalité entre dénonciation de harcèlement et licenciement ?
C’est à ce sujet précis que s’est prononcée de manière inédite à notre connaissance, la Cour de cassation, dans deux affaires récentes.
Charge de la preuve en cas de licenciement postérieur à une dénonciation de fait de harcèlement moral
Si le licenciement est bien pourvu d’une cause réelle et sérieuse, c’est au salarié de démontrer que la rupture de son contrat est liée à la dénonciation de faits de harcèlement. En l’absence de cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve de l’absence de lien entre le licenciement et le harcèlement incombe à l’employeur.
C’est en ce sens que se sont prononcés les juges.
Dans ces deux affaires, les salariés, licenciés pour faute, contestent en justice cette mesure en estimant que leur licenciement est directement lié à la dénonciation de faits de harcèlement à leur encontre quelques mois plus tôt.
Dans l’affaire du 18 octobre, c’est la société qui perd en appel. Elle estime que la cour aurait dû étudier les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement et justifiant cette mesure. Par ailleurs elle lui reproche d’avoir dit le licenciement nul en raison de la concomitance de la dénonciation des faits de harcèlement par la salariée quelques mois plus tôt…
Dans l’affaire du 8 novembre, c’est le salarié qui voit sa demande rejetée en appel. La cour d’appel va adopter un raisonnement assez inédit et faire peser sur le salarié la charge de la preuve du lien entre la rupture de son contrat et la dénonciation des faits de harcèlement. En effet, la cour constatera que le salarié avait bien fait l’objet d’un harcèlement moral, que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et que la dénonciation des faits était antérieure à l’engagement de la procédure disciplinaire. Mais, elle ajoutera que le salarié n’a pas suffisamment établi le lien de causalité entre la rupture de son contrat et la dénonciation des faits de harcèlement, et que de ce fait, le licenciement ne peut pas être qualifié de nul.
De ces deux affaires, la Cour de cassation adopte une position très claire : dès lors que la lettre de licenciement ne mentionne pas la dénonciation de harcèlement, les juges doivent d’abord rechercher si les faits invoqués dans la lettre caractérisent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Selon les cas, la charge de la preuve reposera soit sur le salarié, soit sur l’employeur :
- si le licenciement est pourvu d’une cause réelle et sérieuse, c’est au salarié de démontrer que la rupture est liée à la dénonciation de son harcèlement ;
- si par contre il n’y a pas de cause réelle et sérieuse c’est à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié et son licenciement.
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Cour de cassation, chambre sociale, 18 octobre 2023, n° 22-18.678 et 8 novembre 2023, n° 22-17.738 (lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement)
Juriste droit social
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