Licenciement économique d’un salarié en arrêt de travail pour cause d’accident du travail : la nullité est encourue !

Publié le 21/11/2018 à 08:25 dans Accident du travail.

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L’employeur ne peut pas rompre le contrat de travail d’un salarié en arrêt de travail consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, sauf s’il justifie notamment de son impossibilité à maintenir le contrat pour des raisons étrangères à l’accident ou à la maladie. Mais quels motifs permettent à l’employeur de justifier de son impossibilité à maintenir le contrat ? Les difficultés économiques d’une entreprise permettent-elles de rompre le contrat de travail du salarié protégé ?

Rupture de contrat du salarié en AT/MP : des règles protectrices

La législation sociale est très protectrice pour les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ainsi, il est interdit à l’employeur, durant la période de suspension du contrat de travail résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, de rompre le contrat de travail du salarié, sous peine de voir les juges annuler le licenciement.

Cette nullité, si elle est prononcée, entraine soit la réintégration du salarié à son poste, soit, si le salarié ne souhaite pas être réintégré, le paiement par l’employeur d’une indemnité de rupture et d’une indemnité de préjudice relative au caractère illicite/nul du licenciement.

Cette protection contre la rupture du contrat de travail du salarié s’applique à compter du début de la période de suspension de contrat et durant toute la période d’arrêt de travail jusqu’à la visite de reprise auprès du médecin du travail (à la condition que la visite soit obligatoire).

Notez-le
La visite de reprise est obligatoire dans 3 cas de figure :
- à l’issue d’un congé maternité ;
- à l’issue d’une absence pour cause de maladie professionnelle ;
- à l’issue d’une absence pour cause d’accident de travail, de maladie ou d’accident non professionnel d’au moins 30 jours.

La protection joue pour tous les cas de rupture de contrat : mise à la retraite du salarié, rupture de la période d’essai, licenciement.

Notez-le
Pour autant, la rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié en arrêt pour cause d’AT/MP peut être, a priori, valable, dès lors qu’elle est exempte de fraude ou de vice du consentement.

Concernant les mesures de licenciement, il faut noter que deux exceptions à l’impossibilité de rompre le contrat du salarié en arrêt pour cause d’AT/MP existent :

  • lorsque le salarié a commis une faute grave ;
  • lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à la maladie ou à l’accident.

Si le motif de la faute grave n’amène pas de commentaire particulier, le motif tiré de l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat est beaucoup plus sujet à interprétation.
C’est pour ce motif que la Cour de cassation a été amenée à se prononcer le 3 octobre dernier, dans le cadre d’un contentieux opposant un employeur et son salarié licencié pour motif économique…

Nullité du licenciement économique d’un salarié en arrêt de travail consécutif à un accident du travail

Dans cette affaire, un salarié, responsable d’exploitation d’une entreprise spécialisée dans la distribution de boissons, est victime d’un accident de travail le 25 février 2012 et en arrêt de travail à compter de cette même date. Le 30 janvier 2014, le salarié, toujours en arrêt de travail, est licencié pour motif économique.

Il saisit le conseil de prud’hommes afin de faire prononcer la nullité de son licenciement. Il était demandé aux conseillers prud’homaux de statuer sur le fait de savoir si le licenciement économique et l’application des critères d’ordre de licenciement suffisaient à caractériser l’impossibilité pour l’employeur de maintenir son contrat de travail pour un motif étranger à l’accident de travail.
Le conseil des prud’hommes n’ayant pas fait droit aux demandes du salarié, ce dernier interjette appel.

La cour d’appel déboute à son tour le salarié de ses demandes et estime que les difficultés économiques invoquées par l’employeur à l’appui du licenciement économiques étaient bien avérées.

De plus l’application des critères d’ordre de licenciement justifiait bien le licenciement du salarié, nonobstant son statut protecteur résultant de son arrêt de travail d’origine professionnelle.

Toujours insatisfait de cette décision, le salarié forme un ultime recours et se pourvoi en cassation.

Sans surprise et dans la lignée de sa position constante, la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel. Elle rappelle que ni le licenciement économique, ni l’application des critères d’ordre de licenciement ne suffisent à eux seuls à caractériser l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail du salarié protégé. Or dans l’espèce, l’employeur se bornait à expliquer la réalité de ses difficultés économiques, justifiant ainsi la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Si sur le plan du droit du licenciement économique, les motifs invoqués étaient pertinents, sur le plan de l’interdiction stricte de rompre le contrat du salarié en arrêt de travail consécutif à un accident de travail, ces motifs ne suffisaient pas à caractériser l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat.

L’employeur aurait dû expliquer et justifier en quoi ces difficultés économiques le plaçaient dans une impossibilité réelle et totale de maintenir le contrat du salarié protégé.

Cette décision illustre une fois de plus l’importance pour l’employeur de motiver les raisons objectives et concrètes qui le conduisent à rompre le contrat de travail du salarié protégé.

Les employeurs savent désormais que pour éviter la nullité du licenciement, ils doivent être vigilants lors de l’énoncé des motifs les conduisant à licencier un salarié en arrêt pour cause d’accident du travail.


Cour de cassation, chambre sociale, 3 octobre 2018, n°17-16.474 (ni le licenciement économique ni l’application des critères d’ordre de licenciement ne suffisent à caractériser l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail d’un salarié en arrêt de travail pour cause d’accident du travail).

Audrey Gillard

Juriste droit social