Licenciement pour faute grave : le salarié ne peut pas opposer la violation du secret médical à son employeur
Temps de lecture : 4 min
Contenu ancien
Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Lorsque le salarié commet des faits considérés par son employeur comme fautif, celui-ci peut engager une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’à la faute grave. L’employeur doit alors prouver la réalité de la faute, par tous moyens. Et le salarié peut les contester en justice. Mais le salarié peut-il contester la véracité des faits reprochés en opposant la violation du secret médical par l’employeur?
La suite du contenu est réservée aux abonnés à l'Actualité Premium
Essayez l'Actualité Premium
À partir de 9,90€ / mois- Déblocage de tous les articles premium
- Accès illimité à tous les téléchargements
Licenciement pour faute grave : notions et rappel
En application de son pouvoir disciplinaire, l’employeur qui constate des manquements de la part de son salarié peut, selon la gravité et la nature de la faute, engager une procédure disciplinaire pouvant aller de la simple sanction à la rupture du contrat de travail pour faute.
Faute simple, faute grave, faute lourde… la qualification dépend de la nature des manquements, des circonstances propres à chaque fait.
En ce qui concerne la faute grave, celle-ci suppose que les faits soient suffisamment importants pour que l’employeur ne puisse pas maintenir le salarié en poste dans l’entreprise, même temporairement.
La faute grave résulte de faits ou d’un ensemble de faits, généralement constitués par des violations des obligations contractuelles.
Pour exemple, il a été reconnu que la violation du secret professionnel pouvait être constitutive d’une faute grave justifiant le licenciement du salarié.
Il en va ainsi, par exemple, d’un salarié, kinésithérapeute, qui, pour se défendre devant le conseil de l’ordre des médecins, a produit un dossier médical d’un patient, partiellement anonymisé et donc permettant d’identifier le patient, violant ainsi le secret médical (Cass, soc, 1er décembre 2015, n° 14-22.133).
Mais pour autant, et à l’inverse, est ce que l’employeur peut consulter les dossiers médicaux des patients dont a la charge un professionnel de santé salarié afin d’étayer la faute de ce dernier et justifier ainsi la procédure disciplinaire ?
L’employeur viole-t-il le secret médical rendant ainsi sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié ?
Illustration.
Violation du secret médical: motif non opposable à l’employeur par le salarié
Le secret médical est institué dans l’intérêt des patients. Un salarié ne peut pas se prévaloir de l’éventuelle violation de ce secret médical de son employeur pour contester son licenciement pour faute.
C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans un arrêt du 15 juin dernier.
Dans cette affaire, une salariée engagée dans un EHPAD en qualité d’infirmière est licenciée pour faute grave à la suite du décès d’une résidente. L’employeur lui impute en partie ce décès en raison de manquements constatés, notamment à partir d’éléments du dossier médical de la patiente, tels qu’un défaut de surveillance et de prise en charge par les équipes soignantes, lesquelles étaient placées sous sa responsabilité.
La salariée conteste son licenciement devant le conseil des prud’hommes puis en appel. Cette dernière, le 26 juin 2020, donnera raison à l’employeur, estimant que le licenciement pour faute grave est justifié compte tenu des différents manquements rapportés par l’employeur, lesquels rendaient impossible le maintien dans l’entreprise de la salariée.
Insatisfaite de cette décision, l’infirmière forme un pourvoi en cassation et tente de faire valoir que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car les faits qui tendent à caractériser la faute grave sont tirés du dossier médical de la patiente, auquel a accédé son employeur, ce qui constitue une violation du secret médical.
Argumentation originale mais qui laissera sourds les magistrats de la Cour de cassation. En effet, les juges rappelleront que le secret professionnel (encore appelé secret médical lorsqu’il s’applique à un professionnel de santé) est institué uniquement dans l'intérêt des patients, dans le but de protéger leur vie privée et le secret des informations les concernant. Ce secret ne vise donc pas à protéger l’intérêt des salariés qui en sont dépositaires.
C’est pourquoi, un salarié professionnel de santé, participant à la transmission de données couvertes par le secret, ne peut pas se prévaloir, à l'égard de son employeur, d'une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations ayant des conséquences sur la santé des patients.
Le licenciement est donc bien fondé.
Notez le
Il a déjà été rappelé par la Cour de cassation que le secret médical était instauré dans l’intérêt du patient. Ainsi un médecin ne peut pas se prévaloir d’un quelconque préjudice lorsqu’un salarié, dépositaire du secret, viole ce secret et porte atteinte à la réputation du médecin (Cass. soc., 13 octobre 2020, n° 19-87.341).
Cour de cassation, chambre sociale, 15 juin 2022, n° 20-21.090 (le secret professionnel est institué dans l'intérêt des patients et non des salariés qui en sont dépositaires. Ces derniers ne peuvent pas se prévaloir de la violation de ce secret médical par leur employeur pour défendre leurs intérêts en cas de sanction disciplinaire)
Juriste droit social
- Arrêt maladie : qu’est-ce que l’essai encadré ?Publié le 08/01/2025
- Obligation d’emploi des travailleurs handicapés : publication du rapport 2023 de la DARESPublié le 07/01/2025
- Rétrospective de l’année 2024 en santé-sécurité au travail : retour sur 2 nouveautés prévues pour 2025Publié le 17/12/2024
- Quelles sont les conditions de travail des télétravailleurs ?Publié le 11/12/2024
- Rétrospective de l’année 2024 en santé-sécurité au travail : retour sur 2 mesures abandonnées ou reportéesPublié le 10/12/2024