Licenciement pour insuffisance professionnelle : un travailleur handicapé peut-il être concerné ?
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Le contrat de travail formé avec un travailleur handicapé peut, comme toute autre relation de travail, se résoudre par un licenciement. La mobilisation du motif de l’insuffisance professionnelle, relativement complexe et sensible a priori n’en demeure pas moins possible selon la Cour de cassation. Mais dans quelles conditions ?
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Recrutement d’un travailleur handicapé : générateur d’obligations diverses
L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, à laquelle sont tenues les entreprises d’au moins 20 salariés, connaît de multiples sources de satisfaction.
Parmi celles-ci, se présente l’alternative d’un recrutement direct à hauteur de 6 % de l’effectif total.
En vertu du principe d'égalité de traitement, celle-ci active différentes obligations à l’endroit de l’employeur (Code du travail, art. L. 5213-6). Ainsi, il doit adopter, en fonction de besoins concrètement identifiés, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés :
- d'accéder ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification ;
- de l'exercer ou d'y progresser ;
- de suivre une formation adaptée à leurs besoins.
L’employeur doit en outre s’assurer de l’accessibilité :
- des logiciels installés sur leur poste de travail nécessaires à leur activité ;
- de leur poste de travail au télétravail.
Dès lors, ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées.
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Le refus d’appliquer les mesures qui s’imposent à l’employeur peut être constitutif d’une discrimination, pénalement et civilement condamnable.
Pour autant, la coexistence de ces différentes obligations ne prive nullement l’employeur de la faculté de procéder à un licenciement. Et ce, vient de préciser la Cour de cassation, même pour un motif d’insuffisance professionnelle.
Mais attention, la validité de cette mesure se retrouve suspendue à une double obligation :
- premièrement : prendre, préalablement, les mesures appropriées pour permettre au salarié de conserver un emploi correspondant à sa qualification ;
- deuxièmement : caractériser l'insuffisance professionnelle invoquée.
Licenciement d’un travailleur handicapé pour insuffisance professionnelle : illustration
Dans cette affaire, un salarié ayant la qualité de travailleur handicapé est engagé en qualité d’agent de fabrication par une association spécialisée dans l’insertion professionnelle en milieu ordinaire des personnes en situation de handicap.
En février 2014, le salarié réalise, sur proposition de l’association, un essai de 6 mois au sein d’un ESAT. A l’issue de cette période pourtant concluante, il refuse d’intégrer définitivement l’établissement.
Ce dernier est alors licencié quelques temps plus tard pour insuffisance professionnelle. S’estimant victime d’une discrimination en raison de son état de santé et de son handicap, il sollicite la nullité de son licenciement.
Débouté à hauteur d’appel, il forme un pourvoi en cassation. Un ultime recours qui s’avère infructueux à l’arrivée puisque la Haute juridiction confirme l’analyse retenue par la cour d’appel de Rennes.
Et pour cause, les juges du fond faisaient état de plusieurs constats relativement éloquents.
L’arrêt d’appel relatait, d’une part, que le salarié avait été régulièrement suivi par le médecin du travail.
Son aptitude à son poste de travail avait été constatée à l’occasion de chaque visite médicale et particulièrement en mars 2014. A cette époque, indique l’arrêt, des insuffisances avaient déjà été évoquées et des essais sur différents secteurs de l'entreprise étaient déjà mis en place.
L’arrêt rapportait, ensuite, que les insuffisances reprochées au salarié étaient caractérisées. En l’occurrence, il était constaté que celui-ci :
- tenait un rythme parfois inférieur à 15 % de l'objectif moyen de production ;
- connaissait des problèmes de qualité avec 50 % de rebuts en câblerie finition ;
- connaissait des difficultés d'autonomie et de polyvalence.
L’arrêt retenait enfin que l’employeur avait recherché un poste correspondant au mieux aux compétences du salarié. Ce qui, concrètement, s’était traduit par la proposition de l’essai réalisé au sein de l’ESAT.
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Le salarié était le seul à pouvoir demander son admission dans l’établissement.
Il ressort donc de tous ces éléments que l’employeur avait :
- d’une part, satisfait à l'obligation de prendre les mesures appropriées pour permettre au salarié de conserver un emploi correspondant à sa qualification ;
- d’autre part, caractérisé l’insuffisance professionnelle du salarié.
De ce fait, le licenciement reposait effectivement sur une cause réelle et sérieuse et n’était pas discriminatoire.
Bon à savoir
En 2020, la Cour de cassation avait constaté, au sujet d’un licenciement pour inaptitude d’un travailleur handicapé, que l’employeur avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi. Elle en avait déduit que la mesure prononcée était nulle car constitutive d'une discrimination à raison d'un handicap (Cass. soc., 3 juin 2020, n° 18-21.993).
Pour en savoir davantage sur les différentes obligations liées à l’emploi d’un travailleur handicapé, les Editions Tissot vous proposent leur documentation « Santé sécurité au travail ACTIV ».
Cour de cassation, chambre sociale, 6 septembre 2023, n° 22-15.637 (le licenciement du salarié repose sur une cause réelle et sérieuse si l'employeur satisfait, en amont, à l'obligation lui imposant de prendre les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés de conserver un emploi correspondant à leur qualification)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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