Lutte contre les discriminations en raison de la précarité sociale

Publié le 27/07/2016 à 09:53, modifié le 11/07/2017 à 18:28 dans Obligations de l’employeur.

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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

« Juger un pauvre inapte à occuper un emploi… une discrimination contraire à l’idéal républicain ». Ces propos du député Michel Ménard synthétisent l’esprit de la loi du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination en raison de la précarité sociale.

La double peine de la précarité et de la discrimination

Selon l’INSEE, en 2014, 14 % de la population française soit 8,5 millions de personnes et parmi elles beaucoup d’enfants, vivaient en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1000 euros par mois.

Lutter contre la pauvreté c’est aussi lutter contre les préjugés dont sont victimes les personnes tombées dans la précarité. En 2015, ATD Quart Monde a publié les résultats d’une enquête dont il ressort que 97 % des français ont au moins un préjugé sur les pauvres : les pauvres ne paient pas d’impôts, les pauvres font des enfants pour percevoir des allocations, les pauvres ne travaillent pas à causes des minima sociaux, etc.

Paradoxalement, selon ces mêmes travaux, il apparait que les français sont conscients de la dureté de la situation que vivent les personnes en situation de précarité. Ils sont particulièrement sensibilisés aux difficultés d’accès au logement et aux inégalités du système scolaire.

Concernant l’accès à l’emploi, les préjugés liés aux minima sociaux restent très ancrés. Pourtant, une enquête menée en 2009 par la direction générale du Trésor montre que la plupart des bénéficiaires de minima accepteraient la reprise d’un emploi, même sans gain financier immédiat.

À partir d’un tel constat, comment une simple loi d’un seul article, pourra-t-elle « dédiaboliser » la pauvreté et permettre aux défavorisés l’accès à un emploi et un logement ?

Une loi pour casser les préjugés

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Inscrite à l’article 1er de la Constitution, la non-discrimination est un principe fondamental de la République. Or, jusqu’au 24 juin 2016, la discrimination en raison de la précarité sociale n’était pas reconnue légalement. La nouvelle loi fait entrer au Code pénal mais aussi au Code du travail, [LIEN1] à l’article L. 1132–1, un nouveau critère de discrimination « en raison de la particulière vulnérabilité d’une personne résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur ».

Le législateur est allé plus loin en légalisant aussi une différence de traitement pour la bonne cause.

Le nouvel article L. 1133–6 du Code du travail dispose que les mesures prises en faveur des personnes vulnérables, en raison de leur situation économique, et visant à favoriser l’égalité de traitement, ne constituent pas une discrimination. Il est donc possible de favoriser une personne dans la précarité sans en discriminer une autre mieux lotie.

Cette loi ouvre droit à saisir le conseil des prud’hommes, pour faire reconnaitre un préjudice de discrimination sociale à l’embauche notamment. Restera, comme pour toute discrimination, la difficulté d’en rapporter la preuve.

Elle permet aussi la saisine du défenseur des droits, par l’intermédiaire de ses nombreux délégués et permanences partout en France. En effet, cette institution ne peut intervenir que pour des faits de discriminations légalement prohibées, et c’est maintenant le cas pour la discrimination sociale.

Cette loi vertueuse n’a donc pas pour vocation de rendre impossible le rejet des personnes défavorisées mais bien de casser les préjugés et forcer l’évolution des mentalités par la menace de la sanction. Espérons qu’elle contribuera à rendre leur dignité aux exclus et les réintroduira dans leurs droits républicains les plus élémentaires.

Loi n° 2016–832 du 24 juin 2016 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, Jo du 25