Maladie professionnelle : entre inopposabilité et imputabilité
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En matière de risques professionnels, deux types de contentieux co-existent : le contentieux général et le contentieux de la tarification. Devant l’un, l’employeur sollicite l’inopposabilité de la décision de prise en charge d’un sinistre, devant l’autre, il demande le retrait de l’imputation. Ces deux notions pourtant distinctes sont parfois sources de doute et de confusion. La Cour de cassation vient de mettre les choses au clair.
Contester une maladie professionnelle
Lorsqu’un employeur reçoit une décision de prise en charge d’une maladie professionnelle, il doit vérifier d’une part si les conditions du tableau dans lequel est désignée la maladie sont remplies, et d’autre part, si la CPAM a bien respecté la procédure d’instruction à son égard. Si l’une des conditions n’est pas remplie, la CPAM a l’obligation de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) avant de pouvoir statuer.
Les anomalies constatées doivent alors être portées devant la commission de recours amiable de la CPAM afin de solliciter l’inopposabilité de la décision de prise en charge. Il s’agit du contentieux général.
En revanche, si toutes les conditions sont remplies et que le CPAM a respecté toute la procédure imposée par les textes, l’employeur doit vérifier si la maladie lui est bien imputable, autrement dit que c’est bien à lui de prendre en charge les cotisations pour cette maladie : est-ce bien chez lui que la maladie s’est développée ? Le salarié a-t-il été exposé chez plusieurs employeurs ? Etc.
Si réclamations il y a, celles-ci devront être portées devant la CARSAT puisqu’il s’agit d’un problème d’imputation d’une maladie professionnelle sur le taux AT d’un employeur. Il s’agit du contentieux de la tarification.
Une distinction parfois difficile
Il n’est pas étonnant de lire que certains, même conseillés par des professionnels de droit, se trompent de contentieux lorsqu’ils contestent une maladie professionnelle, voire même que les juges du fond se méprennent sur leur compétence. Rappelons en effet que la Cour de cassation avait mis en place pendant plus de 10 ans un partage de compétence entre le contentieux général et le contentieux de la tarification pour les questions relatives au compte spécial. La Haute juridiction a mis fin à ce morcellement pour redonner compétence exclusive aux juridictions spécialisées en contentieux de la tarification le 28 septembre dernier (voir notre article « Le compte spécial appartient exclusivement au contentieux de la tarification »). Il ne peut donc être reproché aujourd’hui à certains juges du fond d’être un peu perdus.
D’autant qu’un même motif peut donner lieu à une inopposabilité devant le contentieux général ou à un retrait d’imputation devant le contentieux de la tarification selon la procédure menée par la CPAM.
C’est en effet le cas de l’employeur qui constate que la condition tenant à l’exposition au risque dans sa société n’est pas respectée :
- si la CPAM a tout de même pris en charge la maladie, sans passer par la case CRRMP, il s’agit d’une irrégularité de fond de nature à entraîner l’inopposabilité devant le contentieux général ;
- si la CPAM a pris en charge cette maladie, après avoir saisi le CRRMP pour ce motif-là, rien ne peut être reproché à la CPAM. Dès lors, l’employeur devra saisir la CARSAT pour demander le retrait de l’imputation dans la mesure où il n’a jamais exposé le salarié à un tel risque.
C’est exactement le cas de l’espèce portée devant la Cour de cassation le 19 octobre 2023. La cour d’appel de Nancy avait constaté, au regard de l’avis explicite du CRRMP, que l’employeur n’avait jamais exposé la salariée à l’amiante et que la décision devait donc lui être déclarée inopposable.
La Cour de cassation rappelle à l’ordre le juge du fond au visa des articles L. 461-1, R. 441-11 et R. 441-14 du Code de la Sécurité sociale :
« Il résulte de ces textes qu’au soutien de son action aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie au titre de la législation professionnelle, l’employeur ne peut se prévaloir que de l’irrégularité de la procédure d’instruction conduite par la caisse ou de l’absence de caractère professionnel de cette pathologie.
Le défaut d’imputabilité à l’employeur de la maladie professionnelle, qui n’a pas été contractée à son service, n’est pas sanctionné par l’inopposabilité de la décision de prise en charge. »
Il s’agit d’une confirmation d’une précédente décision (Cass. 2e ch. civ., 17 mars 2022, n° 20-19.294).
Le juge suprême rappelle qu’en revanche, l’employeur peut contester cette imputabilité devant le contentieux de la tarification si les conséquences financières de la maladie sont inscrites sur son taux AT ou si sa faute inexcusable est recherchée.
Pour toutes vos questions concernant la prise en charge d’une maladie professionnelle, vous pouvez vous reporter à la documentation « Santé Sécurité au Travail ACTIV ».
Cour de cassation, 2e chambre civile, 19 octobre 2023, n° 21-23.376 et n °21-24.142 (le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle, qui n'a pas été contractée à son service, n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge)
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