Manque de sommeil et travail : attention, danger !

Publié le 12/10/2016 à 07:15, modifié le 09/12/2020 à 11:03 dans Risques professionnels.

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Les études récentes menées depuis 2010 le confirment : les Français dorment mal, peu et moins qu’il y a 25 ans. 1/3 des travailleurs dort moins de 6 h par nuit en semaine au lieu des 7 ou 8 h recommandées par les médecins. Parallèlement à cela, le nombre de travailleurs de nuit a presque doublé en 20 ans selon la DARES. Il semble donc intéressant d’aborder le sujet du sommeil à la lumière du rapport publié par l’ANSES sur le travail de nuit et posté, de certaines dispositions de la loi « Macron » et de la loi « travail ».

Des risques pour la santé et un coût considérable

Selon le Code du travail, le travail de nuit doit rester exceptionnel. Cependant, il concerne 15,4 % des salariés et ne cesse d’augmenter. La loi Macron permettant de nouvelles dérogations au travail de nuit, la tendance ne va pas s’enrayer. En outre, la notion de « continuité d’activité économique » justifiant le recours au travail de nuit n’est toujours pas définie par la réglementation tout comme le travail posté.

Une étude INSEE (2012) révèle que les personnes qui travaillent la nuit dorment 1 heure et 40 minutes de moins que les autres travailleurs et leur sommeil est plus haché : 14 % des travailleurs nocturnes (contre 3 % des travailleurs diurnes) dorment en plusieurs fois ou ont une activité entre deux phases de sommeil.

Les résultats de l’étude ANSES mettent en évidence des répercussions sur l’état de santé du travailleur posté ou nocturne dues à la désynchronisation des rythmes biologiques. En effet, un être humain est fait pour dormir la nuit et travailler le jour. L’inversion du rythme provoque de la somnolence et réduit la qualité et la durée du sommeil. Il accroit les risques de cancer, de troubles de l’humeur, l’irritabilité, l’anxiété et amoindrit les performances cognitives. Les chercheurs ont également détecté des effets probables sur la survenue du syndrome métabolique (obésité, prise de poids, diabète et maladies coronariennes) ainsi que des effets possibles sur l’hypertension artérielle et l’accident vasculaire cérébral.

Les statistiques sur le coût économique des troubles du sommeil sont quasi inexistantes en France, cependant, diverses études américaines abordent le sujet. Aux Etats-Unis, l’insomnie serait associée à 7 % des accidents ou erreurs sur le lieu de travail pour un coût total estimé à 31 milliards de dollars. Les personnes souffrant d’insomnie sont plus enclines à se blesser au travail, plus souvent absentes et moins productives. Des chercheurs ont estimé à 63 milliards de dollars le coût de la diminution de la productivité et des performances liées à l’insomnie. Aux Etats-Unis, tout comme en France, près d’un tiers des travailleurs ne dort pas plus de 6 heures par nuit… des chiffres qui doivent faire réfléchir.

Le sommeil des travailleurs en danger

Selon l’INSEE, à 1h du matin, un Français sur dix ne dort pas, et autant à 6h15. À 23h, seule une personne sur deux est couchée. Ainsi, l’insomnie chronique (qui persiste au-delà de 3 mois) touche un Français sur cinq selon l’Institut de veille sanitaire.

Avec la loi travail, en ce qui concerne les travailleurs de nuit, la visite médicale avant affectation et la surveillance « à intervalles réguliers d’une durée ne pouvant excéder 6 mois » (C. trav., art. L. 3122–42) sont supprimées. La loi prévoit un « suivi individuel régulier » dont la périodicité est fixée par le médecin du travail « selon les modalités déterminées par décret en Conseil d’État ».

S’il faut attendre les décrets pour avoir des précisions, il paraît utile de rappeler que la directive européenne n° 2003/88 du 4 novembre 2003 impose un repos journalier de 11h consécutives (art. 3) et un repos hebdomadaire de 24h sans interruption auxquelles s’ajoutent les 11h de repos journalier (art. 5). Le rapport ANSES, quant à lui, préconise « dès à présent, d’ajuster la surveillance médicale des travailleurs de nuit ».

La sieste au travail : pourquoi pas ?

Selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance, 19 % des salariés avouent s’assoupir ou s’endormir au travail ! Alors, pourquoi ne pas favoriser la sieste en entreprise et remédier ainsi à ces périodes de somnolence ? Un petit somme d’une quinzaine de minutes permettrait de réduire le stress, les sautes d’humeur, le manque de concentration et contribuerait même à augmenter la créativité et la productivité de 35 % selon une étude de la NASA !

Les professionnels du think tank Terra Nova recommandent « l’organisation de temps de récupération pendant la journée de travail » notamment pour les personnes travaillant de nuit. Si les Français sont majoritairement « pour » la sieste, peu d’entreprises prennent le sujet au sérieux. Selon une étude de 2014 du cabinet Robert Half, 47 % des dirigeants jugent « envisageable » de faire une sieste au travail mais ils sont 36 % à trouver l’idée « farfelue ».

Parmi les entreprises qui ont osé créer une « siesteria » citons : l’agence de création de sites Web Novius à Villeurbanne, le fabriquant de produits biologiques Léa Nature situé à Périgny en Charente-Maritime, Orange à Meylan en Isère (où la mise en place a été recommandée par le médecin du travail), Renault sur le site du Plessis-Robinson dans les Hauts-de-Seine, au siège de Danone ou chez RetailMeNot France à Paris, spécialiste du couponing.

À l’inverse, dans certains pays asiatiques (Chine ou Japon) la sieste est une pratique courante en entreprise. À méditer donc… il paraît que la nuit porte conseil !

Vous voulez en savoir plus sur la réglementation du travail de nuit ou des repos obligatoires ? Les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Réglementation en Santé Sécurité au travail ».

Cindy Feix
Auteure du blog « Travail et qualité de vie »

Sources :
– Les troubles du sommeil, Claire Gourier-Fréry et Claire Fuhrman, Institut de veille sanitaire, mars 2012
– Vue d’ensemble. Conditions de vie, Layla Ricroch, INSEE, 2012
– Évaluation des risques sanitaires liés au travail de nuit, ANSES, juin 2016
– Article « Le prix élevé de l’insomnie », Dr. Michael J. Breus, psychologue clinicien, paru le 21 novembre 2012 sur Huffingtonpost