Manquement de l’employeur à son obligation de reclassement : l’indemnité compensatrice de préavis est due !
Temps de lecture : 5 min
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à son poste, le préavis ne peut être exécuté et l’indemnité compensatrice de préavis n’est pas due (sauf dans le cas d’une inaptitude d’origine professionnelle). Mais qu’en est-il lorsque l’employeur a manqué à son obligation de reclassement ? Cela permet-il au salarié de réclamer cette indemnité ?
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Indemnité compensatrice de préavis et inaptitude : rappel
Lors du départ d’un salarié, son contrat de travail n’est généralement pas rompu tout de suite. S’ensuit une période dite de « préavis », postérieure à la procédure de rupture du contrat (démission, licenciement, etc.). Ce préavis par nature doit être exécuté et payé comme tel. A défaut d’exécution, il n’est en principe pas rémunéré.
Lorsque le salarié est licencié en raison de son inaptitude médicale (prononcée par le médecin du travail), les règles relatives au préavis sont quelque peu aménagées. Le salarié inapte se retrouve dans l’incapacité physique et/ou mentale d’exécuter son préavis. Dans ce cas, se pose la question du paiement de l’indemnité compensatrice de préavis … et les règles sont différentes selon l’origine de l’inaptitude.
Licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle
Lorsque le salarié est licencié pour inaptitude professionnelle (c’est-à-dire résultant d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail) et que son reclassement est impossible ou que le salarié a refusé (sans abus) les postes de reclassement proposés, l’employeur doit lui verser une indemnité « spéciale » dont le montant est équivalent à celui de l’indemnité compensatrice de préavis de droit commun (Code du travail, art. L. 1226-14).
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Cette indemnité n’a pas le caractère d’une indemnité de préavis mais celui d’une indemnité de réparation.
Il s’agit, ici, d’une exception à la règle selon laquelle le salarié n'a pas droit à l'indemnité de préavis s'il est dans l'incapacité de travailler durant cette période.
Si le salarié refuse de manière abusive les postes de reclassement qui lui sont proposés, alors il perd le droit à cette indemnité.
Licenciement pour inaptitude d’origine non professionnelle
Si l’inaptitude du salarié est d’origine non professionnelle, il ne peut pas prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis dans la mesure où le préavis n’est pas exécuté. Le contrat de travail est alors rompu à la date de la notification du licenciement.
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Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent être prévues et octroyer, en tout ou partie, au salarié cette indemnité.
Cette règle souffre toutefois d’une exception jurisprudentielle datant de 2008 (Cass. soc., 6 février 2008, n° 06-44.898) : l’indemnité compensatrice de préavis est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.
Qu’en est-il aujourd’hui, en 2022 ? Cette règle est-elle toujours applicable ?
Oui ! L’indemnité compensatrice de préavis est due au salarié dont le licenciement pour inaptitude non professionnelle est dépourvue de cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.
C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans un arrêt d’avril 2022.
Les faits étaient les suivants : un salarié, engagé en qualité de cuisinier en janvier 2010, est licencié en octobre de la même année puis réengagé le 1er avril 2012. Le médecin du travail le déclare inapte à tout poste dans l’entreprise à l’issue de deux examens médicaux. Son employeur le licencie le 19 août 2013 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Estimant que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, le salarié saisit les tribunaux de diverses demandes dont celle de bénéficier du paiement d’une indemnité compensatrice de préavis.
En appel, les juges vont constater que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement et requalifier le licenciement en licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». Pour autant, ils débouteront le salarié de sa demande à bénéficier de l’indemnité compensatrice de préavis estimant que seule l’inaptitude résultant d’une origine professionnelle permet au salarié de se voir verser une indemnité « spéciale » équivalente au montant de l’indemnité compensatrice de préavis.
Insatisfait, le salarié forme un pourvoi contre la décision de la cour d’appel.
Dans la lignée de sa jurisprudence, la plus haute juridiction française rappellera que la cour d’appel avait constaté le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, avait prononcé la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse mais, de manière paradoxale, a rejeté la demande du salarié d’obtenir le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis au motif que le régime de son inaptitude était non professionnelle.
Mais c’est à tort. L’indemnité compensatrice de préavis est due même au salarié licencié pour inaptitude non professionnelle à la condition que l’employeur ait manqué à son obligation de reclassement, entraînant alors la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce qui était le cas en l’espèce.
L’arrêt de la cour d’appel de Versailles est cassé et l’affaire renvoyée pour être rejugée.
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Cour de cassation, chambre sociale, 13 avril 2022, n° 21-10.525 (l’indemnité compensatrice de préavis est due au salarié dont le licenciement pour inaptitude non professionnelle est dépourvue de cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement)
Juriste droit social
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