Médecin du travail sanctionné pour avoir fait le lien entre état de santé du salarié et travail : confirmation par le Conseil d’Etat
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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Récemment, le Professeur FANTONI-QUINTON nous apportait son éclairage sur la possibilité pour le médecin du travail de faire un lien santé-travail lors d’un entretien. Toujours d’actualité, cette question a donné lieu à une décision du Conseil d’Etat, confirmant la sanction prononcée contre un médecin.
Lien établi par le médecin du travail entre état de santé du salarié et travail : illustration
Les faits à l’origine de la décision du Conseil d’Etat remontent déjà… à 2011 ! Intervenant sur un site au Tricastin, un salarié exerce un droit de retrait en avril 2011, refusant d'exécuter des tâches qui, selon lui, le mettent en contact avec de l'amiante sans qu'il ait reçu l'habilitation nécessaire. Son employeur réagit en le sanctionnant et cette affaire est portée devant le conseil de prud’hommes par le salarié. C’est là qu’il produit le certificat médical rédigé en décembre 2011 (8 mois plus tard donc) par le médecin du travail du site de Chinon, sur lequel il travaille alors.
Quel est le contenu de ce certificat médical ?
Extraits : « Comme spécialiste de psychopathologie du travail, je peux attester que l'enchainement de pratiques « maltraitantes de son entreprise » en l'éloignant par rétorsion de son domicile et lui imposant une fonction pour laquelle il n'a pas de compétences professionnelles, alliées à une absence d'issue professionnelle et un non emploi de ses compétences de chargé de travaux, ne peu[t] qu'aggraver de façon délétère, les conséquences de sa pathologie psychopathologique post-traumatique ».
L’employeur, mis en cause devant les prud’hommes, saisit ensuite le conseil de l’ordre des médecins d’une plainte disciplinaire contre le médecin, arguant d’un manquement aux obligations déontologiques.
Le médecin du travail doit avoir lui-même constaté les faits
En janvier 2014, ce médecin du travail se voit infliger un avertissement en 1re instance. La condamnation est confirmée en septembre 2016 au niveau national de l’Ordre. Le médecin saisit donc par la suite le Conseil d’Etat, qui confirme à son tour la sanction.
La plainte déposée devant l’Ordre par l’employeur était-elle recevable ?
Oui, répond sans surprise le Conseil d’Etat. La mention, dans un certificat médical produit par un salarié devant le juge prud'homal dans le cadre d'un litige l'opposant à son employeur, d'un « enchaînement délétère de pratiques maltraitantes » de la part de ce dernier, lésait l’employeur « de manière suffisamment directe et certaine » pour que sa plainte soit recevable.
Un médecin du travail commet-il un manquement à ses obligations déontologiques en rédigeant un certificat médical qui fait le lien entre état de santé et conditions de travail ?
Réponse en deux temps :
- la rédaction d’un certificat établi par un médecin du travail faisant un lien entre l'état de santé de ce salarié et ses conditions de vie et de travail dans l'entreprise, n’est pas, en elle-même, un manquement à ses obligations déontologiques ;
- en revanche, le médecin ne peut établir de certificat que sur la base de faits qu’il a personnellement constatés, tant sur la personne du salarié que sur son milieu de travail, ce qui n’était pas le cas en l’occurrence (médecin du travail sur le site de Chinon alors que le droit de retrait avait été exercé au Tricastin 8 mois plus tôt). Le médecin du travail a donc été sanctionné par l’Ordre… par un avertissement.
Conseil d’Etat, 4e et 1re chambre réunies, 6 juin 2018, n° 405453 (si le médecin du travail ne manque pas à ses obligations déontologiques en prenant parti dans un certificat sur le lien entre le travail du salarié et son état de santé, il ne peut toutefois établir un tel certificat que s’il a lui-même constaté les faits)
Sabine Guichard, juriste de droit social de formation, a successivement occupé des postes en entreprise et fédération professionnelle, d'abord en conseil puis de manière opérationnelle. Aujourd'hui, …
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