Nouvelles organisations du travail : quels effets sur la santé mentale des travailleurs ?

Publié le 23/10/2024 à 07:10 dans Risques professionnels.

Temps de lecture : 3 min

Une étude publiée par la DARES en août 2024 dresse un bilan mitigé des nouvelles formes d’organisation du travail basées sur l’autonomie professionnelle et alerte sur les risques liés à l’absence totale d’encadrement.

Davantage d’autonomie au travail ne garantit pas une bonne santé mentale…

Réalisé dans le cadre de l’appel à projet de recherche « Santé mentale, expériences du travail, du chômage et de la précarité » lancé en 2019 par la DARES, ce rapport d’étude explore les effets subjectifs des « nouvelles » organisations du travail sur les individus. Il rend compte d’entretiens collectifs réalisés auprès de travailleurs dans trois environnements de travail : 

  • une plateforme numérique de livraison de repas à vélo : les travailleurs sont auto-entrepreneurs et toute l’activité de livraison est organisée par algorithme. Les principales contraintes concernent l’isolement des travailleurs, la peur des accidents mais également la crainte de l’échec entrepreneurial et la concurrence entre livreurs ; 
  • une Société coopérative et participative (Scop) de livraison à vélo : la coopération y repose sur un partage des règles « techniques » du métier, de la convivialité et une culture d’entreprise fondée sur des principes écologiques, éthiques et solidaires ;
  • une entreprise de conseil informatique aux grands groupes pharmaceutiques où une « libération de l’entreprise » a été mise en place en 2014 favorisant le développement d’équipes autonomes et de groupes de travail transversaux. La surcharge de travail est importante car les salariés doivent notamment « acquérir une double-compétence scientifique et informatique et s’impliquer dans des groupes transverses ».

Selon les auteurs, la Scop constitue la forme d’organisation du travail la plus à même de conjurer les risques pour la santé mentale et physique grâce à une coopération horizontale (entre livreurs) tournée vers un engagement entrepreneurial alternatif. Au contraire, dans le cas de la plateforme numérique, les travailleurs compensent les effets négatifs par une accélération du rythme de livraison. Ce qui entraîne des pathologies somatiques et psychiques sévères chez les travailleurs. Enfin, dans l’entreprise libérée, les salariés doivent fournir des efforts psychiques importants pour contribuer à l’organisation du travail laissée en grande partie à leur initiative.

Rôle de l’encadrement dans la prévention de la santé des travailleurs

Ces trois formes d’organisations du travail, bien que différentes dans leurs modalités, se caractérisent par davantage d’autonomie et de liberté pour les travailleurs. C’est notamment le cas pour les plateformes numériques de livraison et les entreprises « libérées » où la responsabilité individuelle est particulièrement importante en raison d’un encadrement inexistant.

Selon les auteurs, la mise en place d’une organisation du travail reposant majoritairement sur l’autonomie et la liberté dans le travail constitue une alternative « risquée ». En effet, la coopération verticale et l’autorité afférente jouent un rôle spécifique dans la prévention de la santé des travailleurs. Et « le seul management par la performance ou par des indicateurs chiffrés ne peut suffire à la dynamique de la reconnaissance ». D’autant plus que la concurrence que ce mode de management instille a pour effet de « déstructurer les collectifs de travail ». Selon les auteurs, l’encadrement joue également un rôle important en déjouant le traitement interpersonnel des conflits et en assumant la responsabilité et l’échec potentiel de la décision.

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Clara Godin

Juriste, rédactrice en droit de l’environnement et santé-sécurité au travail

Titulaire du Master 2 en droit de l’environnement de l’Université Paris-Saclay, j’ai d’abord exercé en bureau d’études en tant que juriste consultante hygiène-sécurité-environnement (HSE). J’exerce …