Obligation de sécurité : les juges doivent rechercher et analyser les mesures mises en œuvre par l’employeur

Publié le 13/11/2024 à 07:03 dans Obligations de l’employeur.

Temps de lecture : 4 min

L’employeur poursuivi pour avoir manqué à son obligation de sécurité doit prouver qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour s’y conformer. A charge pour les juges du fond d’examiner, ensuite, leur réalité ainsi que leur efficacité.

Obligation de sécurité de l’employeur : rappels

L'employeur est titulaire d’une obligation légale de sécurité. 

A ce titre, il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé physique et mentale de ses salariés. Ainsi, il lui revient notamment d’organiser des actions de prévention ainsi que des actions d’information et de formation.

Par ailleurs, il doit également évaluer les risques professionnels propres à chaque unité de travail et les consigner dans son document unique (DUERP).

En cas de non-respect de son obligation, sa responsabilité civile et pénale peuvent être engagées. De son côté, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail ou en solliciter la résiliation judiciaire.

L’adoption de toutes les mesures de prévention nécessaires et suffisantes peut donc permettre à l’employeur de ne pas voir sa responsabilité engagée. A charge, pour ce dernier, de le démontrer.

Illustration

Par le passé, il a été notamment jugé que l’employeur au fait de difficultés relationnelles avait rempli son obligation de sécurité en ayant :

  • proposé rapidement, et à plusieurs reprises, de recevoir la salariée ayant dénoncé la situation ; 
  • diligenté une enquête ; 
  • proposé de recevoir l'association spécialisée mandatée par la salariée ;
  • organisé le retour de cette dernière dans l'entreprise en liaison étroite avec le médecin du travail.

Aussi, comme l’a rappelé la Cour de cassation à une double occasion, il appartient aux juges souverains de bien examiner la situation pour déterminer si oui, ou non, l'employeur avait bien pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés. 

Manquements de l’employeur à son obligation de sécurité : l’analyse des juges

Première affaire

Dans cette première affaire, une salariée est placée en arrêt maladie à la suite d’une agression sur son lieu de travail. Après sa reprise, elle est victime d'un malaise, lequel est pris en charge comme accident du travail. Dès lors, elle sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

La cour d'appel va rejeter ses demandes, estimant qu’elle ne justifiait, par aucun élément, ni de son agression ni de la reconnaissance par l'employeur de cette agression. En conséquence de quoi, il ne pouvait être reproché à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure nécessaire pour faire cesser des agissements qui n'étaient ni prouvés, ni reconnus.

La Cour de cassation va néanmoins considérer que la cour d’appel aurait dû rechercher si l’employeur : 

  • alerté par la salariée des difficultés rencontrées et confronté à plusieurs arrêts maladie ;
  • avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de la salariée, quand bien même cette dernière invoquait un manquement aux règles de prévention et de sécurité à l'origine de son accident du travail.

Deuxième affaire

Dans cette seconde affaire, un salarié est victime d'un accident du travail en déchargeant des sacs de polystyrène. 

La cour d’appel va estimer que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité du simple fait de la survenance de l’accident, estimant qu’il n’a pas mis en place les mesures nécessaires pour protéger le salarié des conséquences des opérations de déchargement.

La Cour de cassation va, cette fois encore, casser la décision des juges d’appel et retenir que la cour d’appel aurait dû examiner les mesures que l'employeur soutenait avoir mises en place.

Vous souhaitez en savoir plus sur l’obligation de sécurité de l’employeur ? Pensez à consulter notre documentation « Santé sécurité au travail ACTIV ».


Cour de cassation, chambre sociale, 3 juillet 2024, n° 23-10.947 (en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de la salariée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision)
Cour de cassation, chambre sociale, 3 juillet 2024, n° 23-13.865 (en se déterminant ainsi, sans examiner les mesures que l'employeur soutenait avoir mises en œuvre conformément aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision)

Audrey Gillard

Juriste droit social