Obligation de sécurité : son non-respect fait encourir une condamnation pénale pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui

Publié le 28/06/2017 à 08:10, modifié le 13/07/2017 à 22:33 dans Obligations de l’employeur.

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L’employeur doit mettre en oeuvre tous les moyens afin de préserver la santé et la sécurité de ses salariés. Le non-respect de cette obligation peut faire encourir diverses condamnations à l’employeur dont certaines relèvent de sa responsabilité pénale. Dans certains cas particulièrement graves, l’infraction pénale peut devenir punissable au titre du délit de mise en danger délibéré de la vie d’autrui. Illustration de ce délit dans le cadre d’une affaire d’exposition à l’amiante.

Le délit de mise en danger d’autrui : définition

En matière de responsabilité, un employeur qui ne respecte pas certaines règles peut être sanctionné sur le terrain civil mais aussi sur le terrain pénal. Dans ce dernier cas, faut-il encore que l’infraction qu’il a commise entre dans une de celles listées par le Code pénal.

Le droit pénal distingue trois catégories d’infractions : les contraventions, les délits, les crimes.

Si pour les contraventions l’élément intentionnel n’a pas d’importance (mais peut constituer une circonstance aggravante), en matière de crime ou de délit, cet élément intentionnel est important. C’est ainsi que le Code pénal dispose qu’ « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (Code pénal, art. 223–1).

Il est également dit que le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures graves de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. C’est ce que l’on appelle le délit de mise en danger délibérée de la vie d’autrui.

Ce délit est généralement mis en jeu lorsque des comportements dangereux sont révélés notamment en matière de sécurité au travail.

Pour être invoqué, il n’est pas nécessaire pour le dirigeant d’entreprise (son préposé ou même un salarié) d’avoir eu l’intention de provoquer la mort ou les blessures. Une simple inattention ou négligence ne suffit pas non plus. C’est un délit « intermédiaire » entre la faute intentionnelle et la faute non intentionnelle.

La preuve de cette situation intermédiaire est difficile à rapporter puisque le caractère manifestement délibéré de la violation d’une obligation légale ou réglementaire de sécurité est imposé.

Notez-le
Met en danger de manière délibéré la vie d’autrui le conducteur poids lourds qui emprunte des routes interdites à son véhicule en raison d’un excès de poids, la preuve du caractère manifestement délibéré de la violation étant due à l’existence de multiples panneaux d’interdiction et à la réitération de la violation renouvelée sur de nombreux kilomètres.

Illustration ici avec un employeur (société de BTP) qui n’a pas mis en œuvre les mesures de protection nécessaires contre les poussières d’amiante à l’égard de ses salariés lors d’un chantier de construction.

Un délit caractérisé par le non-respect d’une obligation de sécurité liée à l’amiante

Une entreprise de construction en charge du terrassement et de la construction de trois immeubles en Corse travaillait sur un chantier susceptible d’exposer les salariés de l’entreprise mais aussi les riverains à de la poussière d’amiante.

Suite à l’ouverture des travaux, l’inspection du travail relève par procès-verbal un certain nombre de problématiques prouvant que les salariés pouvaient être exposés à l’amiante (recouvrement insuffisant des déblais amiantifères, présence d’une clôture de confinement ne permettant pas de limiter la propagation de fibres d’amiante, absence de nettoyage de la pelle de terrassement, réalisation d’opérations de mesurage de l’air en fibres d’amiante non conformes, etc.).

La société en charge des travaux et son directeur d’exploitation ont été cités devant le tribunal correctionnel pour délit de mise en danger délibéré de la vie d’autrui. Pour qualifier ce délit, il leur était reproché d’employer des travailleurs à une activité comportant un risque d’exposition à des agents chimiques cancérogènes mutagènes ou toxiques pour la reproduction sans respect des règles de prévention.

Relaxés en en première instance, la société et son chef d’exploitation sont condamnés en appel.

Les juges du fond retiennent en effet que l’entreprise était débitrice d’une obligation générale de sécurité de résultat, non seulement à l’égard de ses salariés mais aussi à l’égard de toute personne se trouvant à proximité du site. Elle était aussi débitrice d’une obligation particulière issue d’un décret spécifique relatif à la protection contre les risques liés à l’amiante, dont les mesures n’avaient pas été respectées. Dans la mesure où elle intervenait sur un chantier où le risque d’inhalation de fibres d’amiantes était identifié et connu, elle aurait dû mettre en œuvre ses obligations en la matière pour protéger salariés et riverains.

La Cour de cassation approuve le raisonnement de la cour d’appel.

Il était avéré que l’entreprise et son directeur d’exploitation avaient exposés autrui (les salariés notamment du chantier) à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la violation manifestement délibérée des dispositions du Code du travail. Le délit de mise en danger de la vie d’autrui était donc bien caractérisé.

Audrey Gillard
Juriste en droit social et santé travail

Cour de cassation, chambre criminelle, 19 avril 2017, n° 16–80.695 (le non-respect de l’obligation de sécurité, caractérisé par une exposition des salariés de l’entreprise à des poussières d’amiante, fait encourir à leurs auteurs une condamnation pénale pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui)