Préjudice d’anxiété : il peut être reconnu en cas d’exposition professionnelle au benzène

Publié le 24/11/2021 à 07:37 dans Risques professionnels.

Temps de lecture : 5 min

Contenu ancien

Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.

La Cour de cassation vient d’apporter des précisions sur les risques couverts par le préjudice d’anxiété. En effet ce préjudice n’est pas uniquement reconnu en cas d’exposition à l’amiante.

Préjudice d’anxiété : des critères de reconnaissance qui ont évolué

Lors de sa reconnaissance par la Cour de cassation, l’indemnisation de ce préjudice avait pour vocation de protéger tous les salariés ayant travaillé dans une entreprise pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante.

En effet, l’exposition des salariés à cet agent mortel était susceptible de générer un risque élevé de développer une pathologie grave.

Par ailleurs, la finalité de la reconnaissance de ce préjudice était d’indemniser les salariés de l’ensemble des troubles psychologiques y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante.

Peu de temps après sa création, la Cour de cassation a progressivement fait évoluer les conditions de reconnaissance du préjudice d’anxiété afin de tenir compte des nouvelles formes d’exposition à des risques professionnels.

Préjudice d’anxiété : nouveaux risques couverts et cas de reconnaissance

Dans les dernières affaires présentées devant la haute juridiction, plusieurs salariés licenciés pour motif économique se sont vus remettre, au moment de leur départ de la société, une fiche individuelle d’exposition à un risque professionnel. Sur cette base, ils décident de saisir le juge prud'homal et sollicitent une indemnisation au titre du préjudice d’anxiété.

La Cour de cassation profite de ces affaires pour rappeler les conditions de reconnaissance du préjudice d’anxiété et traite notamment les points suivants :

  • quels sont les risques couverts par le préjudice d’anxiété ?
  • quels sont les cas de reconnaissance ?
  • que couvre ce préjudice ?

Les risques couverts par le préjudice d’anxiété

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que la reconnaissance du préjudice d’anxiété ne couvre pas uniquement le risque amiante.

En effet, selon la Cour de cassation « toute exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique » peut donner lieu à la reconnaissance d’un préjudice d’anxiété.

Cette position non plus réservée à l’amiante avait déjà été évoquée dans un précédent arrêt du 11 septembre 2019 (Cass. soc., 11 septembre 2019, n° 17-24.888) et laisse entendre une reconnaissance possible du préjudice d’anxiété à d’autres risques professionnels dès lors qu’ils sont reconnus nocifs ou toxiques pour les salariés.

Tel est désormais le cas lors d’une exposition professionnelle au benzène.

Les cas de reconnaissance du préjudice d’anxiété

Le Cour de cassation rappelle que « la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique n’est pas suffisante pour caractériser la reconnaissance du préjudice d’anxiété ».

Ce préjudice d’anxiété peut être reconnu dans deux cas :

  • lorsque le salarié démontre que son employeur a manqué à son obligation de sécurité. Dans cette situation, le salarié peut demander réparation des préjudices subis, le préjudice d’anxiété étant alors indemnisé selon « les règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur » ;
  • lorsque l’état de santé du salarié peut aboutir à la « déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante [ou une autre substance toxique] avec le risque d'une pathologie grave pouvant être la cause de son décès ».

Dans les affaires présentées devant la Cour de cassation, les salariés bénéficiaient d’un suivi médical post-professionnel résultant de leur exposition à un agent nocif pour la santé (amiante ou benzène).

Or, pour certains salariés, ce suivi médical « avait mis en lumière une évolution négative de leur état de santé et les scanners thoraciques […] avaient permis de constater notamment l'apparition d'un épaississement de la coiffe pleurale au niveau des régions apicodorsales droite et gauche ».

Compte tenu de cet état de santé « risquant d’aboutir à la reconnaissance d’une maladie professionnelle grave pouvant entraîner la mort », la Cour de cassation a considéré que les conditions de reconnaissance du préjudice d’anxiété étaient remplies.

A l’inverse, dans les situations pour lesquelles l’état de santé du salarié ne laisse pas apparaître de risque de reconnaissance d’une maladie professionnelle, le préjudice d’anxiété ne peut pas être reconnu. La Cour de cassation ajoute que « l’inquiétude résultant de la remise d’une attestation d’exposition et de la mise en place d’un suivi médical post-professionnel résultant de cette exposition » n’est pas suffisante pour caractériser le préjudice d’anxiété.

Le contenu de ce préjudice

La Cour de cassation rappelle enfin que le préjudice d’anxiété « est constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance de ce risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés ».
A ce titre, l’« inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante avec le risque d'une pathologie particulièrement grave pouvant être la cause de son décès » suffit pour caractériser un trouble psychologique.

Elle précise enfin que la charge de la preuve repose exclusivement sur le salarié et qu’il correspond au préjudice qu’il « subit personnellement ». Le préjudice subi par les tiers n’est donc pas couvert.


Cour de cassation, chambre sociale, 13 octobre 2021 n° 20-16.617, 20-16.585, 20-16.584, 20-16.593 et 20-16.583