Préjudice d’anxiété et régime de preuve dérogatoire : nouvelle précision de la Cour de cassation
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La Cour de cassation vient d’acter une avancée notable dans la réparation du préjudice d’anxiété. Le régime de preuve dérogatoire, réservé aux salariés éligibles à l’ACAATA, demeure applicable même si le salarié engage son action en réparation avant l’inscription de sa société sur la liste des établissements ouvrant droit à l’allocation. Retour sur cette dernière décision inédite.
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Préjudice d’anxiété : des conditions de réparation partagées
La reconnaissance du préjudice d’anxiété est ouverte à tous les salariés ayant été exposés à de la fibre d’amiante. Pour autant, la jurisprudence a édifié deux voies vers la réparation.
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Le préjudice d’anxiété découle du sentiment d’inquiétude permanente généré par le risque de déclarer, à tout moment, une maladie liée à l’amiante.
D’une part, se présente le régime probatoire de droit commun, destiné aux salariés inéligibles à l’allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA). Dans ce cadre, le salarié doit démontrer que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en justifiant :
- d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave ;
- et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi et résultant de cette exposition.
Ainsi, la réalité du préjudice d’anxiété ne peut être déduite de la seule exposition au risque de développer une pathologie grave. Le salarié doit, au contraire, s’efforcer de démontrer que la connaissance de ce risque à développer chez lui des troubles psychologiques.
D’autre part, se présente le régime de preuve dérogatoire, réservé aux salariés éligibles à l’ACAATA. Afin d’en bénéficier, il faut que le salarié ait travaillé :
- dans un établissement ouvrant droit à l’ACAATA et figurant sur une liste établie par un arrêté ministériel ;
- pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante.
Dans cette hypothèse, le salarié se retrouve, par le seul fait de l’employeur, dans une situation d’inquiétude permanente de déclarer une maladie liée à l'amiante. Autrement dit, l’exposition à l’amiante, la faute de l’employeur ainsi que son préjudice se retrouvent présumés. Ce qui, par extension, emporte une indemnisation automatique.
En toutes circonstances, la reconnaissance du préjudice d’anxiété nécessite la saisine de la juridiction prud’homale. Seulement, il se peut que, dans la période séparant le jour de la saisine du jour de l’audience, un nouvel arrêté ministériel intègre la société du salarié dans la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA. Confrontés à la survenance de cet aléa, les juges du fond ont pu s’interroger : quel régime probatoire doit être appliqué ? Retour sur la réponse récemment formulée par la Cour de cassation.
Inscription de l’établissement postérieure à la saisine du juge : le régime de preuve dérogatoire demeure applicable
L’affaire suivante était présentée aux juges de la Cour de cassation. Un salarié, alors laborantin, avait saisi le juge prud’homal, le 13 juin 2013, d’une demande tenant à la réparation de son préjudice d’anxiété. Or, six mois plus tard, les parties apprenaient l’inscription de la société dans la liste des établissements ouvrant droit à l’ACAATA.
Devant la cour d’appel de Nancy, le salarié est débouté. Les juges du fond considèrent alors qu’en ayant introduit son action en justice avant la publication de l’arrêté ministériel, ce dernier restait soumis au régime probatoire de droit commun. Toutefois, sa demande de réparation ne pouvait aboutir dans la mesure où il ne présentait aucun élément démontrant une manifestation personnelle de son anxiété.
Cette analyse n’est pas suivie par la Cour de cassation.
Les hauts magistrats s’opposent, en effet, à ce critère temporel imposé par les juges d’appels. Même si la date d’inscription de l’établissement était postérieure à l’introduction de l’instance, seul compte la satisfaction aux critères d’éligibilité à l’ACAATA.
Faisant application de son analyse, la Cour de cassation observe que le salarié avait :
- travaillé dans un établissement ouvrant droit à l’ACAATA et figurant sur la liste établie par l'arrêté du 3 décembre 2013 ;
- occupé, pendant la période visée par cet arrêté, un poste susceptible d'ouvrir droit à l’ACAATA.
En conséquence, le salarié était naturellement fondé à obtenir l’indemnisation de son préjudice d’anxiété.
Ainsi, à l’instar de ces précédents arrêts, la Cour de cassation dégage une orientation claire et louable, celle de ne pas freiner la réparation du préjudice d’anxiété (voir sur ce sujet : Exposition à l’amiante : condamnation de l’employeur en raison d’un manquement à son obligation de loyauté). A notre sens, cette solution pourrait également s’imposer dans l'hypothèse où l’inscription de l’établissement intervenait en cours d’instance (ex : entre le jugement du conseil de prud’hommes et l’audience d’appel).
Rappelons ici que les maladies liées à l’amiante constituent aujourd’hui :
- la deuxième cause de maladies professionnelle (entre 3 à 4 000 reconnaissance par an) ;
- la première cause de décès liés au travail, hors accidents du travail.
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Cour de cassation, chambre sociale, 24 mai 2023, n° 21-17.536 (est fondé à obtenir l'indemnisation de son préjudice d'anxiété le salarié qui, d'une part, avait travaillé dans un établissement mentionné à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur la liste établie par l'arrêté du 3 décembre 2013 et qui, d'autre part, avait occupé pendant la période visée par cet arrêté un poste susceptible d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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