Préjudice d’anxiété et transfert du contrat de travail : l’action en réparation peut être dirigée contre le nouvel employeur
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La naissance du préjudice d’anxiété se situe, pour un salarié éligible à l’ACAATA, au jour où celui-ci prend connaissance de l’arrêté ministériel inscrivant son site sur la liste des établissements y ouvrant droit. Or, cette inscription peut intervenir des années après la période d’exposition et concerner un établissement transféré, depuis lors, à une autre entreprise. Le droit à réparation des salariés n’est pourtant pas altéré, précise la Cour de cassation. Le nouvel employeur peut être tenu de procéder à cette indemnisation.
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Préjudice d’anxiété : l’éligibilité à l’ACAATA justifie une réparation automatique
Nombreuses sont les pathologies générées par l’exposition à la fibre d’amiante (fibrose, pleurésie, cancer des poumons, cancer des bronches, etc.). Celles-ci représentent, ne l’oublions pas, la première cause de décès liés au travail, abstraction faite des accidents du travail.
Un salarié au fait de son exposition peut, naturellement, éprouver un sentiment d’inquiétude permanente face au risque de déclarer, à tout moment, l’une de ces maladies.
Cet état d’anxiété lui cause ainsi un préjudice dont il peut solliciter la réparation. Un régime spécifique a alors vocation à s’appliquer s’il justifie de son éligibilité à l’ACAATA.
Rappel
Le bénéfice de l’ACAATA suppose que le salarié ait travaillé :
- dans un établissement ouvrant droit à l’ACAATA et figurant sur une liste établie par un arrêté ministériel ;
- pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante.
Dans ce cadre précis, le simple fait de satisfaire aux conditions précitées autorise le salarié à être indemnisé. Il bénéficie, en d’autres termes, d’une triple présomption : d’exposition à l’amiante, de manquement de l’employeur et d’existence d’un préjudice moral propre.
L’action en réparation est alors enserrée dans un délai de 2 ans. Délai dont le point de départ se situe au jour où le salarié prend connaissance de l’arrêté ministériel intégrant son site à la liste ACAATA.
Seulement, cette reconnaissance administrative n’est pas immédiate. Elle peut intervenir plusieurs années après la période d’exposition effective du salarié. Or, une entreprise peut, dans cet interstice, rencontrer des difficultés économiques et transférer partiellement son activité en conséquence.
Mais alors, si l’inscription de l’établissement cédé intervient postérieurement à cette cession : le salarié transféré peut-il agir à l’encontre de son nouvel employeur ? Retour sur la réponse apportée par la Cour de cassation.
Rappels des faits
Le présent litige débute en 2005 par le placement en redressement judiciaire de la société McCormick France. En 2007, l’activité « magasin pièces de rechange », réalisée dans un établissement à Saint-Dizier, est cédée à la société Argo France.
Or, trois ans plus tard, un arrêté ministériel en date du 28 avril place cet établissement sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l’ACAATA. La période concernée s’établit plus précisément de 1949 à 2003.
7 salariés saisissent le juge prud’homal afin d’obtenir la réparation de leur préjudice d’anxiété et engagent la responsabilité de leur dernier employeur, Argo France.
Préjudice d’anxiété et transfert du contrat de travail : la date de naissance du préjudice prime
La cour d’appel de Bourges considère, cependant, que les conditions requises pour l’indemnisation du préjudice d’anxiété par la société Argo ne sont pas remplies.
Et pour cause, la société :
- n’a jamais été inscrite sur la liste ministérielle recensant les sites où étaient fabriqués ou traités de l’amiante ou des matériaux en contenant ;
- n’employait pas les salariés au cours de la période visée par l’arrêté.
Au regard de ces éléments, elle ne pouvait être tenue à réparation alors même que la période d’exposition était antérieure à la date du transfert des contrats de travail. Les juges du fond neutralisent, de surcroît, le fait que la naissance du préjudice d’anxiété soit postérieure au transfert dans la mesure où il n’était pas imputable à cette société.
En somme, la date du transfert des contrats de travail constituerait le point de référence pour constater la redevabilité de l’actuel employeur.
Cette solution est cassée par la Cour de cassation qui reconnaît, au contraire, la prévalence de la date de naissance du préjudice d’anxiété.
Elle en déduit que l’action des salariés pouvait viser Argo France dans la mesure où le transfert des contrats de travail était intervenu précédemment. Qu’importe l’impossibilité de lui imputer l’exposition à l'amiante et l'absence de manquement à son obligation de sécurité.
Il reviendra donc à la cour d’appel d’Orléans de rejuger l’affaire et de reconnaître le droit à indemnisation des salariés.
Bon à savoir
L’actuel employeur pourrait-il, le cas échéant, solliciter auprès de l’ancien employeur le remboursement des indemnités versées au titre de la réparation du préjudice d’anxiété ? La Cour de cassation a, par le passé, répondu par la négative. En effet, si le transfert intervient antérieurement à la naissance du préjudice, la créance en résultant ne constitue pas une créance due à la date de la modification de la situation juridique de l'employeur (Cass. soc., 22 novembre 2017, n° 16-20.666).
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Cour de cassation, chambre sociale, 11 octobre 2023, n° 22-10.589 et suivants (le préjudice d'anxiété naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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