Preuve du harcèlement moral : précisions sur les éléments de fait mobilisables
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Multiples sont les éléments de faits qu’un salarié peut invoquer pour laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral. Dans une récente décision, la Cour de cassation confirme qu’un choix de recrutement est tout à fait mobilisable tout comme celui de reporter le versement d’une prime.
Harcèlement moral : un aménagement de la charge de la preuve
Les litiges relatifs au harcèlement moral se caractérisent par un partage de la charge de la preuve.
En d’autres termes, il appartient au salarié de présenter en premier lieu des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. La nuance est à souligner car la réalité du harcèlement n’a pas être caractérisée.
Il revient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est objectivement justifiée par des éléments étrangers.
En conséquence, et comme le démontre le litige présenté à la Cour de cassation, les faits font régulièrement l’objet d’analyses contradictoires. Il appartient alors aux juges de les apprécier souverainement.
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Harcèlement moral : un aménagement de la charge de la preuve
Les litiges relatifs au harcèlement moral se caractérisent par un partage de la charge de la preuve.
En d’autres termes, il appartient au salarié de présenter en premier lieu des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. La nuance est à souligner car la réalité du harcèlement n’a pas être caractérisée.
Il revient ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est objectivement justifiée par des éléments étrangers.
En conséquence, et comme le démontre le litige présenté à la Cour de cassation, les faits font régulièrement l’objet d’analyses contradictoires. Il appartient alors aux juges de les apprécier souverainement.
Rappel des faits
Dans cette affaire, un directeur de magasin de vingt-cinq ans d'ancienneté est licencié. S’estimant victime d’un harcèlement moral, il sollicite en justice une réparation financière de son préjudice.
Il expose plusieurs éléments de fait au soutien de sa demande.
Premièrement, un choix de recrutement. En effet, l’employeur avait décidé d’engager temporairement un ancien directeur. Nommé en tant que « général manager », il exerçait ses missions aux côtés du salarié. Or, les faits passés révèlent que ces derniers avaient rencontré de graves difficultés relationnelles. L’attitude de l’ancien directeur envers son collègue avait notamment justifié son licenciement. De surcroît, le salarié déplore les conditions humiliantes dans lesquelles l’employeur avait annoncé le retour de cet ancien salarié tout comme l’immixtion vexatoire de ce dernier dans l’exercice de ses fonctions.
Secondement, son remplacement. En l’occurrence, il s’avère que le poste libéré par le salarié à la suite de son licenciement a été repris par le frère jumeau de l’employeur.
Troisièmement, le versement de sa prime « bilan ». Le salarié révèle que l’employeur l’avait volontairement retardé. La raison de ce report de huit mois ? Le comportement adopté par le salarié et notamment son refus de coopérer avec le général manager.
La possibilité d’invoquer un choix de recrutement et le paiement reporté d’une prime
L’employeur rétorque les arguments du salarié et l’emporte en appel.
Pour les juges d’appel, celui-ci démontrait que les décisions prises étaient étrangères à tout harcèlement. Et pour cause :
- le recrutement du général manager visait à aider le salarié à redresser la situation du magasin ;
- sa présentation avait été accomplie dans des conditions exemptes d’abus ou de faute ;
- le général manager avait dû se substituer au salarié en raison de son absence ;
- le salarié avait été déchargé de certaines réunions afin qu’il puisse se recentrer sur ses fonctions de directeur de magasin ;
- le versement retardé de la prime était justifié au regard de l’attitude du salarié.
Les juges ajoutent même que le salarié s’est, de son propre fait, écarté de ses fonctions de directeur en refusant notamment l’aide de son employeur.
Seulement, la Cour de cassation casse cette décision.
Elle considère au contraire que les motifs invoqués par l’employeur ne permettaient pas d’établir que l’ensemble de ses décisions étaient objectivement justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement. Les juges pointent précisément son choix de recrutement ainsi que le versement reporté de la prime.
L’affaire devra donc être rejugée.
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Cour de cassation, 29 mars 2023, n° 21.20-915 (la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que l'ensemble des mesures prises par l'employeur étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, en particulier le choix en qualité de « général manager » aux côtés du salarié d'une personne avec laquelle elle avait rencontré de graves difficultés relationnelles et la décision de reporter le paiement d'une prime)
Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot
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