Prévention des RPS : favoriser la bientraitance professionnelle
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Le terme de bientraitance professionnelle fut tout d’abord utilisé dans les milieux soignants, notamment dans le cadre du soin aux personnes âgées, afin de contrer la maltraitance possible envers les patients. Il s’est généralisé au monde du travail grâce à l’essor de la question des risques psychosociaux intégrés dans les risques professionnels.
Le terme de bientraitance ne sous-entend pas un management paternaliste ni de relation hiérarchique forte. Il peut et devrait être appliqué à tous les niveaux hiérarchiques et dans toutes les fonctions d’une entreprise, même les plus isolées, notamment par des comportements “pro-sociaux”, par des attitudes dynamiques et empathiques.
Qu’est-ce qu’une organisation où règne la bientraitance professionnelle ?
Parmi les multiples facettes de la bientraitance, les structures professionnelles peuvent se pencher sur différents aspects essentiels permettant de favoriser les relations interpersonnelles, le bien-être de chacun et l’engagement vis-à-vis de la structure, notamment par la prise en compte des dimensions suivantes :
- la justice organisationnelle. Favoriser à tous les niveaux hiérarchiques le sentiment d’équité et celui de justice procédurale, par exemple en impliquant les acteurs de l’organisation dans les décisions les concernant. La justice distributive concerne la perception de l’équité dans la redistribution des ressources et avantages (qu’il s’agisse de formation, de salaire, de places, etc.). Les contraintes du travail, qui se manifestent dès la signature du contrat, amènent l’individu à se sentir en permanence dans une situation de justice ou d’injustice tout au long de sa carrière ;
- les comportements citoyens et prosociaux : ils impliquent le professionnalisme, l’altruisme, les attitudes positives et le fait de s’impliquer dans son organisation. Certains individus sont amenés à favoriser le fonctionnement général de l’entreprise par leur simple comportement volontaire et citoyen. Il s’agit de collègues particulièrement à l’écoute et disponibles pour aider toute personne en demande, ayant une aptitude naturelle à s’impliquer dans la vie sociale et dans la résolution des conflits. A l’échelle organisationnelle, il est possible de développer ces comportements qui semblent innés par une justice organisationnelle forte et par des programmes d’échange de connaissances par exemple ;
- le soutien aux employés et l’empathie de la part de la structure. Le fait de se sentir considéré et compris peut sembler général et flou, il est pourtant possible, sans entrer dans l’implication affective, de mettre en œuvre des mesures concrètes favorisant chez les travailleurs le sentiment d’être considéré avec empathie et d’être reconnu sur son lieu de travail. L’expression des émotions, longtemps passées sous silence dans les relations professionnelles, qu’elles soient de valence positive (plaisir au travail, satisfaction de la qualité, etc.) ou négative (colère, stress), joue un rôle déterminant dans la qualité des relations au travail et pour éviter l’accumulation de tensions sociales ;
- le bien-être au travail : si la notion de bien-être individuel au travail n’est pas consensuelle, il est communément admis que le bien-être participe à la santé et à la pérennité de l’organisation dans son ensemble. Les textes récents de lutte contre les risques psychosociaux y sont particulièrement attentifs, de même que les entreprises qui prennent conscience de l’enjeu de performance et d’efficacité qu’il présente, notamment dans son lien direct à la motivation liée au plaisir de la tâche en elle-même (motivation intrinsèque) et non liée à une récompense extérieure. Le concept de bien-être au travail renvoie aux idées de satisfaction, de bonnes conditions de travail, de qualité et de santé. Le fait d’avoir accès par exemple à tous les outils dont les employés ont besoin et de posséder toutes les conditions nécessaires à la bonne réalisation de leurs tâches (prise en compte des contraintes de temps, marge de manœuvre suffisante, accessibilité des équipements de sécurité, etc.) relève des prérequis du bien-être au travail.
Favoriser la passion pour développer la bientraitance
Les entreprises peuvent choisir différentes politiques managériales ou développer divers outils concrets pour s’engager dans une culture bientraitante. Le leadership bientraitant est celui qui fait confiance : il permet à tous les employés de participer à la vie de l’entreprise et aux décisions en les responsabilisant.
Les décideurs redoutent souvent qu’une approche managériale orientée vers l’harmonie ou contre le stress ralentisse le rythme de travail et la productivité. Encourager la bientraitance professionnelle va pourtant avant tout dans le sens d’une dynamique positive, un mouvement allant entre autres vers l’efficacité : on peut évoquer l’encouragement de la « passion » comme outil de développement.
Un système, qu’il s’agisse d’un individu, d’une entreprise ou de la société en général, est en perpétuel changement. Il se meut et modifie sa propre structure en permanence. La recherche d’un équilibre et d’une santé organisationnelle saine s’effectue par l’accompagnement de ce mouvement dans les bonnes directions : la prise en compte des différences de chacun dans le développement des compétences et la motivation vers les passions peut accompagner les individus vers l’intérêt pour les domaines en plein extension et profitables à long terme pour l’entreprise sur les marchés du travail.
Les leaders peuvent favoriser et manier la passion de leurs collaborateurs comme un outil positif de management pour parvenir à la fois à développer la dynamique organisationnelle dans la bonne direction mais également en vue de développer les relations interpersonnelles de manière constructive et motivante. Ils représentent à la fois l’image et la culture de l’entreprise, ses valeurs et sont en mesure, parfois inconsciemment mais simplement en raison de leur rôle, de promouvoir et d’orienter le développement des compétences de leurs collaborateurs.
La passion, qui est un exemple de motivation intrinsèque, a déjà été utilisée par de grandes entreprises comme outil de management et d’innovation : Google a exploité ce principe en permettant aux ingénieurs d’utiliser 20 % de leur temps de travail à la réalisation de projets personnels ou non-directement liés à leurs occupations officielles. Ceux qui rêvent souvent de pouvoir réaliser de nouveaux projets en toute liberté en profitent généralement pour développer des idées innovantes directement liées à l’activité de l’entreprise et pour générer un état de veille sur les nouveautés de la concurrence. C’est dans ces 20 % de temps de travail que sont nées la plupart des concepts et programmes originaux de Google, mais également ainsi que l’entreprise a pu attirer les meilleurs porteurs de talents.
D’autres entreprises ont exploité, sans toujours le savoir, ce principe de passion en tant qu’outil, notamment une entreprise en étude de marché qui propose à ses employés un système d’intégration et de formation sur le terrain par le partage des connaissances et l’implication personnelle dans la démarche d’amélioration continue. Chaque nouvel employé doit passer une demi-journée par semaine à la préparation d’une présentation mensuelle sur ses idées d’amélioration de l’entreprise. Quant aux travailleurs seniors, ils s’engagent à écrire différents articles en lien ou non avec leurs projets de chercheurs, à développer de nouvelles idées, des formations ou des conférences intra-entreprises ou bien à l’extérieur, participant ainsi à la fois à l’image de l’entreprise, mais également au développement de l’éventail de compétences présentes dans l’entreprise.
Pour de plus petites entreprises et selon le domaine, la valorisation du développement des compétences et de la passion peut être possible par la mise en place de groupes de travail sur différents thèmes tels que l’amélioration des relations avec les clients, les possibilités d’innovations, les outils pouvant être améliorés, des réflexions sur la qualité, etc.
Si la structure est plutôt orientée vers un management classique marqué par une hiérarchie forte, les leaders peuvent contrecarrer les éléments bloquants de la culture d’entreprise en investissant une plus grande partie de leur temps aux côtés de leurs employés notamment sur leur espace de travail, et avec une attitude d’écoute et d’ouverture bienveillante. Des visites régulières sur le terrain, la participation aux pauses et aux conversations informelles fournissent des occasions de recueillir la perception des employés concernant leurs possibilités de développement, leur poste et leurs idées quant au développement des activités.
Elsa Saint Clair Syme
Psychologue du travail
Source : Psychologie de la bientraitance professionnelle: Concepts, modèles et dispositifs. Jean-Luc Bernaud, Pascale Desrumaux, Dominique Guédon. Collection: Psycho Sup, Dunod 2016
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