Prise d’acte de la rupture, harcèlement moral et nullité du licenciement : cocktail explosif !
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Prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié
Tout salarié en CDI peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail s'il reproche à l'employeur des manquements « suffisamment graves » qui empêchent la poursuite du contrat. La prise d'acte, qui est une construction jurisprudentielle, produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués par le salarié la justifiaient, soit les effets d'une démission dans le cas contraire. Et c’est au juge qu’il appartient de se prononcer sur ce point.
Mais que se passe-t-il si le salarié invoque un harcèlement moral à l’origine de la prise d’acte ? Pour mémoire, le Code du travail prévoit qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » (C. trav., art. L. 1152-1). En principe, toute rupture du contrat de travail liée à des faits de harcèlement est nulle. Cela vaut-il aussi en cas de prise d’acte de la rupture ?
Harcèlement moral, prise d’acte et nullité de la rupture
Un salarié est engagé en qualité de luthier le 5 octobre 1992 puis devient responsable qualité en novembre 2003.
Estimant être victime d’un harcèlement moral depuis 2011, il prend acte de la rupture de son contrat le 12 juillet 2012 et présente des éléments de fait suivants :
- le retrait des fonctions qui lui ont été attribuées, retrait de son rôle de responsable qualité, mise à l'écart systématique, attribution de tâches et de fonction ne correspondant pas à son rang hiérarchique ;
- la suppression de son poste de travail et de son bureau ;
- un blocage inexpliqué de sa demande de congé parental ;
- et la dégradation de son état de santé.
Les règles de preuve étant aménagées dans ce cas, il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision est justifiée par des « éléments objectifs » étrangers à tout harcèlement.
En l’occurrence, l’employeur n’y parvient pas et le harcèlement moral est reconnu.
Mais qu’advient-il alors de la prise d’acte du salarié ? Produira-t-elle les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul – puisque résultant d’un harcèlement moral ? Le Code du travail prévoit en effet que « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions (…sur le harcèlement moral), toute disposition ou tout acte contraire est nul » (C. trav., art. L. 1152-3).
Confirmation, sans surprise, de la Cour de cassation : « l'altération de l'état de santé du salarié était en lien avec le comportement de l'employeur dont les agissements répétés avaient eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, (…) la prise d'acte devait produire les effets d'un licenciement nul ».
La dégradation de l’état de santé était en effet directement liée aux faits de harcèlement moral qui ont conduit le salarié à prendre acte de la rupture, frappée de nullité…
Rappelons que la nullité donne droit au salarié à une indemnité qui ne peut pas être inférieure aux salaires des 6 derniers mois…
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Cour de cassation, 20 septembre 2018, n° 16-26.152 (lorsque l'altération de l'état de santé du salarié est en lien avec le comportement de l'employeur dont les agissements répétés avaient eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul)
Sabine Guichard, juriste de droit social de formation, a successivement occupé des postes en entreprise et fédération professionnelle, d'abord en conseil puis de manière opérationnelle. Aujourd'hui, …
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