Procrastiner efficacement au travail

Publié le 23/06/2021 à 08:49 dans Risques psychosociaux.

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Procrastination, ce mot aux allures complexes qui requiert une habileté d’élocution importante est pourtant sur toutes les lèvres. Du Latin pro (en avant) et crastinus (à demain), la procrastination renvoie à la tendance comportementale à remettre certaines tâches au lendemain. Alors, si vous êtes sujet ou si vous managez quelqu’un sujet à cette tendance, nous allons tenter de comprendre ce phénomène et d’identifier quelques leviers d’action afin d’y remédier dès aujourd’hui !

La procrastination s’insinuerait aussi bien sur notre sphère personnelle que professionnelle.

Selon une étude réalisée par OpinionWay en 2018, 72 % des Français interrogés estiment que la procrastination les détourne de leur activité de travail, cela représenterait en moyenne 1 h 54 soit 18 jours de travail par an ! Si cette étude peut prêter à sourire, les impacts de la procrastination peuvent être néfastes aussi bien sur notre santé (impact sur le stress, l’estime de soi) que sur nos conditions de travail (retards, difficultés).

Pourquoi procrastinons-nous ?

Certaines études mettent en avant des attributs individuels comme prédicteurs de la procrastination, tels que notre capacité à nous auto-réguler, notre tendance à l’impulsivité, nos stratégies de régulations du stress ou encore notre estime de nous-même.

D’autres études montrent que l’environnement du travail peut également jouer un rôle dans notre tendance à différer ou non la réalisation de certaines tâches. Ainsi, des niveaux élevés de procrastination sont associés aux conditions de travail les plus précaires (salaire bas, contrat précaire, temps partiel contraint par exemple). A contrario, plus l’activité serait en mesure de satisfaire les besoins humains fondamentaux (intérêt, autonomie, soutien social) plus elle génèrerait des leviers motivationnels importants susceptibles de contrer l’évitement.

Que les ingrédients soient individuels ou organisationnels, dans la sphère professionnelle ou privée, la procrastination naît toujours d’un l’écart entre le plaisir (immédiat) et la motivation (récompense différée) : plus une tâche apparaît éloignée de sa gratification (plaisir), plus il nous est difficile de la réaliser. Ainsi, plus une tâche apparaît comme exigeante, déplaisante ou génératrice d’anxiété, plus nous aurons tendance à tergiverser, c’est-à-dire à nous tourner vers des actions plus immédiatement satisfaisantes. Dès lors que nous repoussons, nous nous éloignons encore davantage de la gratification en augmentant nos sources de déplaisir immédiat (temps de réalisation plus court, stress qui augmente, auto-injonctions « à se mettre au travail ») ce qui nous pousse à… reporter à plus tard ! Bref, plus nous procrastinons, plus nous créons les conditions favorables à la procrastination.

Alors que faire si vous procrastinez (ou si vous managez quelqu’un qui procrastine) ?

Levier n° 1 : continuer à procrastiner si vous avez de bonnes raisons de le faire

Tout d’abord se poser la question : si je ne fais pas cette tâche (ou pas tout de suite), est-ce vraiment un problème ? Si la tâche en question ne vous apporte aucun plaisir immédiat et que l’enjeu n’en vaut pas la chandelle … n’est-ce pas une très bonne raison de procrastiner ? La procrastination peut nous permettre aussi d’identifier les tâches importantes et de les prioriser.

Levier n° 2 : définir des sous-objectifs opérationnels et s’engager auprès des autres à les tenir

En procédant ainsi, vous créez un enjeu à plus courte échéance. Ainsi, il vous sera plus difficile de continuer à procrastiner si vous vous êtes engagé auprès de vos collègues à présenter un point d’avancement ou un pré-livrable en réunion d’équipe. Par ailleurs, cela vous permettra peut-être d’obtenir des premiers feed-back positifs qui auront pour effet de majorer le plaisir immédiat.

Levier n° 3 : Augmenter les sources de plaisir et diminuer les sources de déplaisir

Se questionner sur ce qui pourrait rendre la tâche plus plaisante (travail en collectif, nouvelle façon de réaliser une tâche répétitive, prévoir des feed-back et du renforcement positif, etc.) et identifier les sources de déplaisir (consignes peu claires, manque de temps ou d’intérêt pour la tâche, etc.).

Et pour finir… Acceptez que vous procrastinez : l’acceptation et l’auto compassion réduiraient les pensées négatives et donc le stress : accepter de ne pas faire permettrait en partie de pas enclencher le cercle vicieux entre stress et procrastination… en d’autres termes, accepter de ne pas faire c’est minorer son stress et créer les conditions favorables pour faire… mais seulement à partir de demain !


Sources :
OpinionWay, Les français et la procrastination, mars 2018
Sirois, F.M. (2014) Procrastination and Stress: Exploring the Role of Self-compassion. Selfand Identity, 13
Flett, G. L., Blankstein, K. R., & Martin, T. R. (1995). Procrastination, negative self-evaluation, and stress in depression and anxiety: A review and preliminary model

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Alexandra Corvisier

Psychologue et consultante au sein du cabinet de conseil Stimulus

Alexandra Corvisier est psychologue et consultante au sein du cabinet de conseil Stimulus, spécialisé sur la santé psychologique au travail.

Elle intervient au sein des entreprises, aussi bien sur …