Punaises de lit : un salarié peut-il refuser de venir au travail ou rester en télétravail ?
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Les punaises de lit, en pleine prolifération, sont à la une de l’actualité. Si l’entreprise est touchée, l’employeur se doit de protéger la santé physique et mentale des salariés. Ce qui peut amener plusieurs questions : si le lieu de travail est infecté un salarié peut-il refuser de venir au travail ? Et si à l’inverse un salarié en a chez soi, le télétravail peut-il être imposé ou exigé ?
La présence de punaises de lit, une situation à prendre au sérieux par l’employeur
Si les locaux de l’entreprise révèlent la présence de punaises de lit, l’employeur ne peut pas laisser trainer la situation et doit prendre immédiatement des mesures pour les éradiquer.
L’employeur a en effet l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (Code du travail, art. L. 4121-1).
Or les punaises de lit mettent en danger la santé des travailleurs.
Le ministère de la Santé indique qu’elles sont principalement connues pour les « atteintes dermatologiques et allergiques qu’elles occasionnent allant de la simple piqûre à des manifestations généralisées pouvant s’apparenter à une urticaire. La sensibilité d’une personne peut s’accroître si le nombre de piqûres augmente. En cas d’infestation sévère, les punaises de lits peuvent être aussi sources de troubles psychologiques variés, voire aussi d’anémie ».
L’ANSES fait aussi valoir que la présence de punaises de lit peut avoir des effets psychologiques et impacter le bien-être des personnes victimes d’infestation. Elle souligne aussi le coût financier important pour lutter contre une invasion (866 € en moyenne par foyer).
Bon à savoir
En 2019, le coût sanitaire lié aux punaises de lit a représenté 83 millions d’euros pour les Français, dont 79 millions d’euros associés à une baisse de la qualité de vie, aux troubles du sommeil et aux impacts sur la santé mentale, 1 million d’euros lié aux arrêts de travail et 3 millions d’euros environ au titre des soins physiques.
Il ne fait donc pas de doute que l’employeur doit réagir en cas de présence de punaises de lit. Mais comment ? Il faut traiter sans tarder l’entreprise. Il existe des professionnels de la désinfection labellisés « punaises de lit ».
Attention, l’ANSES recommande dans un premier temps de privilégier les méthodes non chimiques, comme le traitement par la chaleur sèche ou la congélation. Le recours aux produits chimiques présente en effet des risques et peut notamment provoquer des intoxications. Si l’utilisation de produits chimiques semble indispensable au vu de la persistance de l’infection, il faut veiller à utiliser des produits dont l’efficacité et les risques ont été évalués dans le cadre d’une autorisation de mise sur le marché.
Un salarié peut-il refuser de se rendre au travail en cas d’infection par des punaises de lit ?
Si l’entreprise n’adopte pas une réaction appropriée, la question du droit de retrait d’un salarié peut légitimement se poser.
En effet le droit de retrait peut être utilisé si le salarié a un motif raisonnable de penser qu’il court un danger grave et imminent pour sa santé mettant ainsi en péril sa santé et sa sécurité.
Ici c’est la notion de gravité du danger qui n’est pas simple à appréhender.
On peut penser qu’un salarié qui constate la présence de punaises de lit est légitime à quitter son poste de travail ou refuser de s’y installer. L’appréciation se fait toutefois au cas par cas. L’utilisation du droit de retrait du salarié sera d’autant plus justifiée si aucune mesure de protection n’a été mise en place et si le salarié a des tendances allergiques.
En cas de litige, cela sera au juge de trancher. Et la seule décision connue remonte à 2016. La cour d’appel de Lyon (9 mars 2016, n° 14/09845) avait estimé que l’invasion de punaises de lit, dont la date d’apparition n’est pas précisée, pour désagréable qu’elle soit n’était pas de nature à caractériser un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé.
Pour en savoir plus sur l’utilisation du droit de retrait, nous vous conseillons la documentation « Santé sécurité au travail ACTIV ». Vous pouvez aussi utiliser notre kit animer le quart d’heure de sécurité « Je dis STOP : droit d’alerte et de retrait ».
Peut-on obtenir du télétravail ou s’en voir imposer si son lieu de travail est infecté ?
Si le télétravail est déjà mis en place dans l’entreprise par le biais d’un accord collectif ou d’une charte, dans ce cas, les modalités de recours à un télétravail exceptionnel sont généralement prévues à l’avance et il suffit de les suivre.
L'employeur et le salarié peuvent également à tout moment, convenir de recourir au télétravail d’un commun accord.
Face à une invasion de punaises de lit, le télétravail peut en effet être une bonne solution pour protéger les salariés tout en profitant de leur absence pour mettre en place un plan de désinfection.
Le salarié ne peut en revanche pas imposer à son employeur le télétravail. Il peut néanmoins faire valoir qu’il envisage d’utiliser son droit de retrait à défaut de télétravail.
Du côté de l'employeur, imposer le télétravail aux salariés présente également des difficultés.
On sait qu’en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure le télétravail peut être imposé aux salariés. Cela a pu notamment être le cas avec la menace épidémique du Covid-19. La mise en œuvre du télétravail peut en effet être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. Mais une contamination par des punaises de lit peut-elle être considérée comme une circonstance exceptionnelle ? La question n’est pas formellement tranchée et présente donc un risque même si cela semble envisageable.
Notez le
Quid des craintes exprimées par les salariés qui doivent utiliser les transports en commun ? Pour le coup on voit mal comment un salarié pourra justifier de ne pas venir travailler car il craint d’attraper des punaises de lit ; le droit de retrait n’est ici pas mobilisable. Là encore le télétravail peut être une option face à un salarié particulièrement anxieux ou ayant de sérieux problèmes de santé, mais cela doit se faire d’un commun accord.
Du télétravail peut-il être imposé si le domicile du salarié est infecté ?
La question peut également se poser en sens inverse avec la crainte qu’un salarié qui ait des punaises de lit les ramène dans l’entreprise. Les punaises de lit se transportant très facilement dans les vêtements notamment.
Le télétravail semble là encore une bonne option s’il est possible de le mettre en œuvre.
L’idéal étant d’y recourir d’un commun accord, les difficultés énoncées ci-dessus pour l’imposer étant aussi valables dans cette situation.
Attention, si le salarié victime d’une infection de punaises de lit sur son lieu de vie vient travailler et que l’employeur est au courant de cette invasion, il a l’obligation de prendre des mesures pour protéger au maximum les autres salariés. Il peut notamment s’agir de lui mettre à disposition un bureau séparé non partagé et soumis à un nettoyage renforcé. Attention aussi aux éventuelles réunions dans une salle commune et aux règles d’accès aux lieux de vie type cafétéria.
On le voit le sujet est compliqué et le plus important reste de dialoguer pour trouver la meilleure solution pour protéger tout le monde.
Bon à savoir
Une proposition de loi sur la question des punaises de lit est évoquée pour la fin de l’année. Reste à savoir si elle contiendra des mesures à destination des entreprises. Une obligation de déclaration des nuisibles est évoquée.
Juriste en droit social
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