Reclassement en cas d’inaptitude : il faut consulter les représentants du personnel en amont !

Publié le 25/11/2020 à 08:15 dans Obligations de l’employeur.

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Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur peut licencier le salarié si le reclassement est impossible. Pour autant, il doit au préalable remplir certaines formalités dont celle de consulter les représentants du personnel. Quel est l’impact de l’absence d’une telle consultation sur le licenciement du salarié ?

Inaptitude et reclassement : rappel

Lorsque le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur ne peut procéder au licenciement du salarié sans lui avoir au préalable proposé un (ou plusieurs) poste(s) de reclassement compatible(s) avec les préconisations du médecin et tenant compte de ses capacités restantes.

Proposition de reclassement d’un salarié inapte à son poste

Notez-le
Seule une mention expresse du médecin du travail, dans l’avis d’inaptitude, peut permettre à l’employeur de s’exonérer de proposer au salarié des postes de reclassement. Pour cela il doit être mentionné expressément:
- soit que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ;
- soit que tout maintien dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

Lorsqu’elles doivent être faites, les propositions de reclassement ne peuvent être présentées au salarié qu’après que l’employeur ait consulté le CSE (anciennement les délégués du personnel).

Avant le 1er janvier 2017, et l’entrée en vigueur de la loi travail, il était nécessaire de distinguer selon l’origine de l’inaptitude. Ainsi lorsque l’inaptitude était d’origine professionnelle, l’employeur avait l’obligation de consulter les délégués du personnel sur les propositions de reclassement, et ce avant de les proposer au salarié. Le non-respect de cette règle privait le licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse. Le sort de l’inaptitude non professionnelle était tout autre. L’employeur n’avait aucune obligation de consulter les délégués du personnel en amont de la présentation des offres de reclassement.

A compter du 1er janvier 2017, et pour toutes les avis d’inaptitude émis à compter de cette date, les règles sont harmonisées pour les deux types d’inaptitude. Que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non, l’employeur est tenu de consulter les délégués du personnel, et désormais les représentants du CSE, en amont de la présentation des offres de reclassement au salarié.

Notez-le
Cette obligation pèse bien évidemment sur les entreprises tenues de mettre en place un CSE, c’est à dire les entreprises d’au moins 11 salariés.

L’employeur ne peut s’exonérer de présenter les offres de reclassement aux représentants du personnel qu’à la condition de rapporter la preuve, via un PV de carence officiel, de l’absence d’élus du fait d’une carence aux élections professionnelles (Cass. soc., 8 juill. 2020, n° 18-26.806).

Mais quelle est l’incidence d’un tel manquement sur le licenciement d’un salarié dont l’inaptitude est d’origine non professionnelle ? Est-ce la même qu’en cas de licenciement d’un salarié dont l’inaptitude est d’origine professionnelle ?

Absence de consultation des représentants du personnel: licenciement sans cause réelle et sérieuse

C’est oui !

L’absence de consultation des représentants du personnel, avant de proposer aux salariés des postes de reclassement, prive le licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse et même dans le cadre d’une inaptitude non professionnelle !

C’est en ce sens que s’est récemment prononcée la Cour de cassation.

Retour sur les faits : un salarié, engagé en 1991 en qualité de conducteur longue distance par une société de transports, est placé en arrêt maladie à compter du 10 mai 2015. Le 14 septembre 2015 le salarié saisit le conseil de prud’hommes de diverses demandes de paiement de sommes liées à l’exécution du contrat. Le 10 mars 2017, il est déclaré inapte à son poste avec mention selon laquelle son reclassement est impossible. Il est alors licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par son employeur.

La procédure nous amène en appel, devant la Cour d’appel de Bourges, laquelle déboute le salarié de ses demandes tendant à faire requalifier son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié saisit la Cour de cassation qui constate et décide :

  • que d’une part, le Code du travail prévoit bien que lorsque le salarié, victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel, est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu’ils existent (le CSE désormais), les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise ;
  • que d’autre part, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi adapté, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Il en résulte que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les représentants du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.


Cour de cassation, chambre sociale, 30 septembre 2020, n° 19-11.974 (la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse).

Audrey Gillard

Juriste droit social