Recours contre l’avis d’aptitude : un impact sur l’obligation de reprise du paiement des salaires ?
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Visite de reprise et aptitude au poste : rappel
La législation relative à la santé au travail prévoit que le salarié, en arrêt de travail, doit réaliser une visite de reprise, réalisée par le médecin du travail, dans les cas suivants :
- après un congé de maternité ;
- après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
- après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
Cet examen doit se réaliser au plus tôt le jour de la reprise effective et au plus tard dans les huit jours qui suivent la reprise.
Il est de jurisprudence constante que la visite de reprise a pour effet de mettre fin à la suspension du contrat de travail. Cette position avait déjà été adoptée par la Direction générale du Travail, laquelle estimait que « c'est l'examen de reprise qui met fin à la suspension du contrat de travail, même s'il ne coïncide pas avec le retour du salarié dans l'entreprise. Tant que la visite de reprise n’a pas été effectuée, le contrat de travail reste suspendu » (Circ. DGT n° 13, 9 nov. 2012).
Les juges avaient adopté la même posture : « la visite de reprise met fin à la période de suspension du contrat, même si le salarié est de nouveau en arrêt de travail à l'issue de cette visite » (Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-17.913).
A l’issue de la visite de reprise, le médecin du travail peut :
- soit déclarer le salarié inapte, auquel cas le contrat de travail n’est plus suspendu. Dans ce cas de figure et sauf exception l’employeur dispose d’un mois pour licencier ou reclasser le salarié. Ce n’est qu’au bout de cette période d’un mois, et si l’employeur n’a ni licencié ni reclassé le salarié, que l’employeur est tenu de reprendre le paiement des salaires ;
- soit déclarer le salarié apte à la reprise de son poste avec ou sans restriction d’aménagement. Dans ce cas l’employeur est obligé de reprendre le paiement des salaires.
Cet avis, qu’il soit apte ou inapte, peut faire l’objet d’un recours de la part des parties.
Jusqu'au 1er janvier 2017, c’était l'inspecteur du travail qui était compétent pour examiner toute contestation de l'avis d'inaptitude. Son avis se substituait alors à l’avis du médecin du travail. Depuis le 1er janvier 2017, la contestation de l'avis d'inaptitude relève de la compétence du conseil de prud'hommes (art. 102 de la loi travail, C. trav., art. L. 4624-1).
Quel peut être l’effet de l’introduction d’une contestation d’un avis d’aptitude sur l’obligation pour l’employeur de reprendre le paiement des salaires, surtout si le salarié se tient à disposition de l’employeur ?
Illustration…
Recours contre l’avis d’aptitude du salarié à disposition de l’employeur : reprise du paiement des salaires !
La visite de reprise à l'issue de laquelle le salarié a été déclaré apte à reprendre le travail avec aménagement à temps partiel thérapeutique met fin à la période de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie, et l'employeur est tenu de reprendre le paiement des rémunérations au salarié qui se tient à sa disposition, peu important le recours exercé contre la décision du médecin du travail
C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation dans un arrêt du 3 février 2021.
Une salariée engagée en qualité de directrice des ressources humaines le 12 mai 2008, est en arrêt de travail à partir du 2 octobre 2012. Le 13 mai 2013, le médecin du travail la déclare apte avec reprise en temps partiel thérapeutique. L’entreprise conteste cette décision. Le 1er aout 2013, l’inspecteur du travail infirme l’avis du médecin du travail et déclare la salariée apte à la reprise de son poste de travail à temps complet. Le 10 octobre 2013 la salariée saisit le conseil de prud’hommes d’une demande tendant notamment à obtenir le paiement d’un rappel de salaire pour la période du 13 mai au 28 juillet 2013 et les congés afférents.
En appel, la cour d’appel rejettera les demandes de la salariée. Elle forme alors un ultime recours contre cette décision devant la Cour de cassation. A l’appui de son pourvoi la salariée argue que la visite de reprise à l'issue de laquelle elle a été déclaré apte à reprendre son travail en temps partiel thérapeutique met fin à la période de suspension de son contrat de travail provoquée par la maladie. Conséquence ? L'employeur est tenu de reprendre le paiement des rémunérations de la salariée, laquelle se tenait à sa disposition, et ce peu important le recours exercé devant l'inspecteur du travail contre la décision du médecin du travail !
Cet argument est entendu par la Cour de cassation. Après avoir rappelé les principes légaux relatifs à la reprise du travail par le salarié et les règles de contestation des avis, les hauts magistrats constatent que la cour d’appel fonde sa décision sur le fait que l’inspection du travail a déclaré, contrairement au médecin du travail, la salariée apte à la reprise sans aménagement de son temps de travail. Cependant, la Cour de cassation estime que l’introduction d’un recours contre l’avis du médecin du travail n’a pas d’effet ! La visite de reprise qui a eu lieu le 13 mai 2013 a mis définitivement fin à la période de suspension de son contrat, de telle sorte que l’employeur était tenu de reprendre à cette date le paiement des salaires, et ce nonobstant la survenue d’un recours et d’une décision contraire postérieure concernant l’avis d’aptitude de la salariée.
L’affaire est renvoyée et sera rejugée par la cour d’appel de Versailles autrement composée.
Cour de cassation, chambre sociale, 3 février 2021, n° 19-24.102 (la visite de reprise à l'issue de laquelle le salarié a été déclaré apte à reprendre le travail avec aménagement à temps partiel thérapeutique met fin à la période de suspension du contrat de travail provoquée par la maladie, et l'employeur est tenu de reprendre le paiement des rémunérations au salarié qui se tient à sa disposition, peu important le recours exercé contre la décision du médecin du travail)
Juriste droit social
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