Recul de l’âge de la retraite et augmentation de l’absentéisme pour maladie

La réforme des retraites de 2023, laquelle vise à reculer de deux ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite, est dans la continuité de celle de 2010. Comparant les données de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse avec celles de l’assurance maladie, les chercheurs du CEET montrent que le recul de l’âge légal de la retraite de 60 ans à 62 ans en novembre 2010 a entrainé une augmentation significative de l’absentéisme pour maladie.

Dans cette analyse publiée en février 2023, les chercheurs précisent que la réforme de 2010 a entraîné une augmentation significative de la fréquence des arrêts maladie de 1,7 points de pourcentage après 60 ans. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêts augmente de 1,031 jours et le nombre annuel d’arrêts maladie de + 0,021 chez les séniors de 60 ans et plus.

Les femmes ont tendance à s’arrêter plus souvent pour des raisons de santé, mais la durée de leurs arrêts maladie est moins importante que celle observée pour les hommes. Les auteurs avancent l’hypothèse que les femmes seraient plus réactives que les hommes en cas de problème de santé comparable, elles consulteraient plus tôt et plus souvent.

L’effet du recul de l’âge légal de la retraite est encore plus important pour les personnes qui ont connu par le passé des événements de santé conduisant à des absences maladie d’au moins 60 jours entre 40 et 55 ans. Le report de l’âge d’ouverture des droits a entraîné chez ces personnes une augmentation de la fréquence des arrêts maladie de 2,2 points et 1,8 jour d’arrêt de plus en moyenne.

A côté de cette augmentation des absences pour maladie des séniors, les auteurs soulignent que reculer l’âge de départ à la retraite induit par ailleurs « un effet de déversement » vers des dispositifs de protection sociale comme le chômage ou l’invalidité.

Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) précise que la part des bénéficiaires d’une pension d’invalidité de droit direct dans la population française croît avec l’âge. La part des bénéficiaires atteint quasiment 9 % à 61 ans.

A titre d’exemple, 8200 personnes mises en invalidité fin 2018 ont 40 ans, 27 200 ont 50 ans et 70 600 ont 60 ans. Le nombre total de personnes en invalidité était de 831 000 en 2018. Les pensions versées par les caisses ont représenté cette même année 7,6 milliards d’euros en équivalent annualisé.

Dans un rapport envoyé au précédent Gouvernement, la Cour des comptes s’est alarmée du coût croissant pour la solidarité des fins de carrières. Elle note que le nombre de demandeurs d’emploi de plus de 50 ans a fortement augmenté en raison notamment du recul des âges de départ à la retraite, les séniors au chômage éprouvant de grandes difficultés à retrouver un emploi.

Relevant une explosion des séniors au RSA ou à l’ASS, la Cour des comptes s’étonne que la réforme des retraites de 2010 n’ait donné lieu à aucune étude d’impact sur les effets du report d’âge en termes de basculement dans l’inactivité et les minima sociaux. Elle déplore un risque croissant « de trappe à pauvreté » pour les séniors de 60 ans et plus.

Les chercheurs du CEET plaident pour une série de mesures pour accompagner le nouveau report de l’âge d’ouverture des droits dont :

• une amélioration des conditions de travail qui aurait pour effet la préservation de la santé des salariés ;
• des postes les moins pénibles réservés aux séniors ;
• un assouplissement du temps de travail des séniors grâce au temps partiel ou à la possibilité de départ progressif à la retraite.

CEET, Âge légal de départ en retraite et absences maladie : quels effets du passage à 62 ans en 2010 ?, 14 février 2023
DREES, Les retraités et les retraites, Les bénéficiaires d’une pension d’invalidité