Réforme du contentieux de la Sécurité sociale : création d’une commission de recours médicale amiable
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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Suite à la parution du décret (n° 2018-928 du 29 octobre 2018), on en sait désormais plus sur les modalités d’exercice du recours médical amiable prévu initialement par la loi de modernisation de la justice du 18 novembre 2016.
Celui-ci est prévu à l’article L 142-5 du Code de la Sécurité sociale et concerne notamment les contestations relatives à l’état d’incapacité permanente de travail consécutifs à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Un recours amiable désormais obligatoire
Jusqu’ici, ces contestations étaient engagées directement devant les tribunaux du contentieux de l’incapacité, la phase gracieuse n’étant que facultative.
Désormais, une Commission de Recours Médical Amiable (CRMA) est donc créée.
Le ressort géographique de cette commission est celui de l’échelon régional du contrôle médical du régime de l’intéressé. Elle doit être saisie par tout moyen conférant date certaine dans les deux mois suivant la notification de la décision contestée.
Elle est composée d’un praticien conseil et deux médecins figurant sur la liste des experts spécialisés en Sécurité sociale ou en matière du vivant-dommage corporel, désignés par le responsable du service médical territorialement compétent.
Dès réception du recours, le secrétariat de la commission transmet une copie de la requête au praticien conseil ayant rendu l’avis initial.
Dans les dix jours suivant la réception de la copie du recours, ce dernier transmet, sous pli confidentiel, et par tout moyen conférant date certaine, l’intégralité du rapport mentionné à l’article L 142-6 du Code de la Sécurité sociale, ainsi que l’avis transmis à l’organisme de Sécurité sociale sur le taux contesté.
Le rapport accompagné de l’avis est transmis sans délai au médecin mandaté à cet effet par l’employeur. Celui-ci, dans les 20 jours suivant la réception de ce document, pourra, par tout moyen conférant date certaine, faire valoir ses observations.
La commission établira ensuite un rapport comportant son analyse du dossier et statuera par une décision comportant des conclusions motivées.
La décision sera ensuite notifiée sans délai par le secrétariat de la commission et une copie du rapport pourra être adressée au médecin mandaté par l’employeur, à la demande de ce dernier.
L’absence de réponse dans le délai de 4 mois suivant la saisine de la commission emporte décision de rejet implicite. L’employeur disposera alors d’un délai de 2 mois pour saisir le tribunal de grande instance spécialement désigné.
Des incertitudes à clarifier...
Si la mise en place de ce recours médical amiable constitue une véritable nouveauté, des questions subsistent sur de nombreux points.
Il convient tout d’abord de rappeler que ses membres sont nommés par le responsable du service médical dont relève le praticien ayant rendu l’avis initial contesté.
Le processus décisionnel n’étant pas clairement défini, on peut donc s’interroger sur la propension de la commission à désavouer l’auteur de la décision initiale relevant du même service.
La procédure est également encadrée dans de nombreux délais afin que chacun puisse faire valoir utilement ses observations. Dès lors, la question des moyens d’en suivre le respect et des éventuelles sanctions en cas d’inobservation de l’un ou l’autre se pose.
Sur les moyens de suivi, on notera que chacun des délais incombant au praticien conseil puis au médecin mandaté par l’employeur se décompte à partir de la transmission du recours par le secrétariat de la commission. Or, cette transmission n’est pas prévue par tout moyen conférant date certaine, de sorte que le point de départ de l’ensemble des délais d’instruction est dépourvu de date certaine.
Sur les sanctions, celles-ci devraient a priori se limiter au fait que les observations soumises hors délai seraient purement et simplement écartées des débats.
On relève ensuite que l’acteur central de la procédure initiée par l’employeur est le médecin qu’il mandate. Eu égard au respect du secret médical, les échanges se feront pour l’essentiel entre le secrétariat et le médecin, l’avocat n’en étant pas non plus rendu destinataire. De fait, cette procédure amiable pourrait rapidement prendre, pour l’employeur, l’apparence d’une chambre noire, dont il ne verra le résultat qu’une fois la décision de la commission connue.
Enfin, compte tenu de la composition uniquement médicale de la commission, on peut également s’interroger sur sa compétence à trancher des litiges d’ordre juridique, comme par exemple, une éventuelle forclusion, une rente attribuée après rechute ou même l’attribution d’un taux socio-professionnel.
Mais au-delà de ces interrogations, qui seront probablement levées par la pratique, la question centrale de la mise en place de cette commission réside dans son effectivité.
Le régime général du contentieux de la Sécurité sociale, traitant notamment du bien-fondé des décisions de prise en charge rendues par les caisses primaires, impose déjà un recours amiable préalable. Cette phase, initialement destinée à désengorger les tribunaux des affaires les plus « simples », a rapidement été vidée de toute substance, du fait de l’absence de décisions explicites rendues par ces commissions, l’employeur se trouvant majoritairement contraint de saisir le tribunal sur décision de rejet implicite.
Le succès de cette nouvelle phase de contestation médicale amiable dépendra donc de la faculté des commissions à effectivement rendre des décisions, sous peine d’allonger artificiellement les délais de recours employeur de 4 mois et ainsi imposer une phase préalable, dans les faits, inefficace, chronophage et coûteuse.
...Et des précisions à venir
Conformément à l’article R. 142-8-7 du Code de la Sécurité sociale, un arrêté précisera les modalités de fonctionnement de la Commission et de son secrétariat. Espérons que celui-ci lèvera les dernières incertitudes sur cette nouvelle voie de recours, applicable, rappelons-le, dès le 1er janvier prochain.
Décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, Jo du 30
Expert en gestion des risques professionnels
Titulaire d’un DESS DIA, et expert en droit de la Sécurité sociale, j’interviens depuis plus de douze années dans le domaine des risques professionnels.
Après de longues expériences en cabinets, …
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