Rémunération et motivation : entre idées reçues et effets indésirables
Temps de lecture : 5 min
Contenu ancien
Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Objet de tant de discussions autour de la machine à café, mais aussi d’entretiens formels avec les RH ou le manager, la rémunération concentre de nombreux affects, aussi bien côté salarié qu’employeur. Retour sur une notion complexe avec Patrice Viot Coster, associé du partnership Melcion, Chassagne & Cie.
A quoi sert vraiment la rémunération ?
On ne se pose que rarement la question de cette façon, et pourtant, le salaire constitue une forme de « prix » du travail bien fait. En premier lieu, c’est un des éléments essentiels du contrat de travail, fruit d’un équilibre entre ce qu’une entreprise est prête à payer pour un travail donné et ce qu’un salarié accepte de recevoir pour ce même travail.
Le niveau de la rémunération ne dépend pas seulement d’une négociation entre l’employeur et l’employé ou de l’équilibre interne des rémunérations. Il est aussi le résultat de facteurs externes, notamment les pratiques des entreprises concurrentes (ou de fonctions semblables dans d’autres industries).
Plusieurs études ont montré que le salaire était l’un des principaux facteurs de motivation des salariés français.
La rémunération est l’une des briques qui peut influencer le niveau de motivation d’un salarié, mais n’en est pas le seul élément. Je dirais même que c’est le dernier. Prenons l’exemple suivant : imaginons que je souhaite acheter une voiture. Chez le concessionnaire, s’il manque 1 roue et le volant de la voiture, je serai outré (un salaire trop bas sera tout simplement refusé). Si la voiture roule correctement, mais que sa couleur n’est pas celle souhaitée, je vais sans doute l’acheter (je peux accepter le job même si la rémunération n’est pas exactement celle que j’attendais). Enfin, s’il y a un élément « en plus », comme un porte-gobelet, les amoureux du café seront très contents (un jeune parent sera souvent sensible à la possibilité d’une crèche d’entreprise).
Ainsi il ne faut pas réduire la motivation au salaire mais prendre en compte la rémunération totale (sans doute plus pertinente) qui se décompose pour l’essentiel ainsi :
- salaire ;
- primes et bonus ;
- avantages en nature : mutuelle, chèque restaurant, voiture de fonction, avantages CSE, tarif réduit sur des produits/services de l’entreprise, etc. ;
- épargne salariale : intéressement et participation, plan d'épargne entreprise (PEE) ou retraite (PER).
N’est-ce pas sur le salaire que se concentre l’attention des salariés ?
Trop souvent, alors que le sujet rémunération totale est plus pertinent. Mais attention, les collaborateurs ne sont pas motivés par un salaire en soi, mais plutôt par sa progression dans le temps. Ces évolutions peuvent être corrélées à l’ancienneté, au niveau de responsabilité ou de performance. Mais si un collaborateur n’est pas satisfait de son augmentation (ou par son absence), la démotivation peut être brutale. Le potentiel démotivateur du salaire est plus grand que son potentiel motivateur. Et même si l’on est satisfait de son augmentation, le « boost » de motivation s’estompe rapidement.
Les psychologues appellent ce phénomène l’habituation hédonique. Pour compenser cela, de nombreuses entreprises mettent en place des systèmes de primes sur objectif. Est-ce que cela crée moins de démotivation ?
Premier point, il est essentiel que le lien entre la prime et les efforts du collaborateur soit clair (rien de pire pour la motivation qu’une prime qui varie sans lien avec le travail produit, soulignant le peu de justesse de l’ensemble). Autre dimension importante, les indicateurs choisis pour définir le calcul et le paiement des primes auront un impact majeur : si les objectifs sont trop individuels, les personnes risquent de prendre des décisions visant à maximiser l’atteinte de leurs propres objectifs, parfois au détriment du collectif. Dans ce cas, la prime de certains peut créer de la démotivation chez d’autres.
Par exemple, une prime individuelle sur les ventes peut avoir des effets indésirables : il n’est pas rare que cela induise une bataille entre commerciaux pour obtenir la vente ou bien des comportements de sabotage (éviter de renseigner les clients des autres pour ne pas déclencher leur prime), ce qui entame la marge de l’entreprise et donc sa performance.
Ainsi, les indicateurs choisis doivent nourrir un alignement des contributions individuelles avec les objectifs de l’entreprise, faute de quoi il paraît impossible de contribuer à la motivation de tous.
Donc un mauvais choix d'indicateurs peut amener des comportements certes rationnels, mais contre-productifs. Alors, quels indicateurs privilégier ?
J’aurais tendance en premier lieu à vous recommander de questionner la pertinence d’un système de rémunération variable pour motiver vos collaborateurs. Je vous renvoie à l’ouvrage de Daniel Pink, Drive : The Surprising Truth About What Motivates Us, dans lequel l’auteur a synthétisé les constats de la recherche à ce sujet :
- les primes sont efficaces pour motiver à la réalisation de tâches non cognitives (fabriquer une pièce). Mais ceci n’est vrai que si la performance dépend seulement de l’effort du collaborateur. Si d’autres éléments induisent une variation (météo, machine, etc.), l’effet motivateur est considérablement réduit ;
- pour les tâches à fort enjeu cognitif, les primes d’objectifs ont le plus souvent un effet contre-productif (exemple : la vente ou la réalisation de tâches complexes).
Ainsi, c’est seulement dans certains contextes que les primes n’auront pas d’effets nuisibles. Un système de prime sur objectif peut néanmoins avoir du sens au niveau collectif.
La suite de cet article est proposée en téléchargement :
Patrice Viot Coster accompagne des entrepreneurs dans leurs réflexions et leur action, en jouant le rôle d’un sparring partner. Il est associé au sein de Melcion, Chassagne & Cie, dont l’intervention repose sur une définition atypique de l’Entrepreneuriat, lié au désir d’entreprendre et au besoin d’autonomie. La transformation des organisations, ainsi que l’appui d’entrepreneurs et de dirigeants constituent le fil rouge de son parcours. Il intervient également comme enseignant en master II à Paris-Dauphine.
Vous pourrez retrouver Patrice Viot Coster sur Twitter et Linkedin.
Psychologue clinicienne - Consultante
Née en 1992 à Enghien-les-Bains, Emma Pitzalis est psychologue clinicienne (Paris X), diplômée en thérapies brèves et stratégiques de l'Institut Gregory Bateson. Emma a débuté sa carrière au sein de …
- Séminaire d’équipe : quoi, pourquoi et comment ?Publié le 15/01/2025
- Violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité : faire de leur prévention un sujet obligatoire de négociation ?Publié le 15/01/2025
- Conflit au travail : comment s’en faire un allié ?Publié le 08/01/2025
- Face au sentiment d’impuissancePublié le 17/12/2024
- Risques psychosociaux : leur existence place-t-elle l’employeur dans l’impossibilité de réintégrer un salarié licencié ?Publié le 10/12/2024