Réserves motivées de l’employeur : l’absence de témoin remet-elle en cause la survenance d’un accident ?
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Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Lorsque l’employeur est informé de la survenance d’un accident par son salarié, il a l’obligation de le déclarer dans les 48 heures à la CPAM, et ce, même s’il a de sérieux doutes sur la réalité de cet accident. L’employeur peut toutefois émettre des réserves motivées sur la matérialité de l’accident ou sur son lien avec le travail. L’absence de témoin peut-elle être considérée comme une réserve motivée ?
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L’importance d’émettre des réserves motivées
Lorsque l’employeur émet des réserves motivées à un AT, la CPAM a l’obligation de mener une instruction afin de récolter des éléments objectifs et de faire la lumière sur les doutes de l’employeur, avant de statuer sur une éventuelle prise en charge du sinistre au titre de la législation professionnelle.
Bon à savoir
L’employeur peut émettre des réserves motivées sur l’origine professionnelle de l’accident au moment de la déclaration, ainsi que pendant un délai de 10 jours francs à compter de la date à laquelle il a effectué la déclaration. Les réserves peuvent désormais être ajoutées en ligne (voir l’article « Déclaration d’accident du travail : les réserves peuvent désormais être ajoutées en ligne »).
L’existence ou non de réserves motivées constitue depuis plus d’une décennie un débat phare et récurrent devant les juridictions du contentieux de la Sécurité sociale. En effet, l’enjeu est important pour les entreprises : obtenir l’inopposabilité d’une décision de prise en charge en l’absence d’enquête menée par la CPAM suite aux réserves motivées de l’employeur.
L’obligation de motivation des réserves a été instaurée en 2009 (décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009). Avant cette date, il suffisait pour l’employeur d’indiquer qu’il émettait des réserves pour que la caisse mette en place des investigations. Cette question ne souffrait donc d’aucune équivoque et d’aucun débat.
Une fois l’entrée en vigueur de cette obligation de motivation des réserves, restait à savoir ce que cela signifiait exactement. C’est ainsi que la jurisprudence est venue compléter les intentions du législateur en affirmant de façon constante que les réserves motivées sont celles qui permettent de contester le caractère professionnel de l’accident. En ce sens, celles-ci ne peuvent porter que sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l’existence d’une cause totalement étrangère au travail.
Partant de ce postulat, peut-on considérer que des réserves portant uniquement sur l’absence de témoin du fait accidentel constituent des réserves motivées ? La réponse est OUI.
Consécration de la bonne motivation des réserves sur la seule absence de témoin
Même si cette question a déjà été tranchée à de nombreuses reprises par la Haute Cour, il semble que certaines cours d’appel fassent de la résistance ou à tout le moins, tentent de faire évoluer la position de la Cour.
En effet, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 12 février 2021, a considéré que les réserves émises par l’employeur n’étaient pas motivées. Celles-ci étaient rédigées comme suit : « Nous émettons des réserves sur le caractère professionnel de l’accident cité en référence du fait qu’aucun témoin ne peut attester l’heure et le lieu indiqué par l’intérimaire ». Le juge a alors estimé que la société ne remettait pas expressément en cause le fait que l’accident soit bien survenu au temps et au lieu du travail.
La Cour de cassation a alors confirmé une énième fois sa position en cassant purement et simplement l’arrêt de la cour d’appel de Paris sans qu’il soit besoin de renvoyer l’affaire. Celle-ci a en effet déclaré inopposable la décision de la CPAM de prendre en charge sans instruction l’accident déclaré par le salarié, alors même que l’employeur « avait formulé, en temps utile, des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l’accident ». Le juge suprême en profite également pour rappeler qu’au stade des réserves, l’employeur n’est pas tenu d’apporter la preuve du bien-fondé de ses réserves. Il appartient en effet à la CPAM, lors de son instruction, d’infirmer ou de confirmer les doutes mis en exergue par l’employeur.
Les CPAM et les juges du fond sont dès lors prévenus : la position de la Cour de cassation, installée depuis près d’une décennie, restera inchangée.
Mettre en avant l’absence de témoin constitue des réserves motivées puisque cela revient à remettre en cause la survenance de l’accident aux temps et lieu de travail.
Les employeurs ne pourront donc que se réjouir de cette confirmation.
Cour de cassation, 2e chambre civile, 5 janvier 2023, n° 21-15.025 (l'employeur, au stade de la recevabilité des réserves, n'est pas tenu d'apporter la preuve de leur bien-fondé)
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