S’ennuyer au travail : un risque professionnel ?
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Le bore-out : un nouveau risque psychosocial ?
Autrement appelé « syndrome d’épuisement professionnel par ennui », le bore-out, concept théorisé par deux consultants d’affaire suisses serait un trouble psychologique déclenché par le manque de travail, l’ennui et l’insatisfaction dans le cadre professionnel.
Notamment dû à l’absence de sens au travail et de défis, renforcé par les fusions et réorganisations successives, il concernerait, selon les auteurs qui médiatisent ce terme, 30 % des salariés français.
Il y aurait urgence à agir puisqu’outre le stress, les troubles du sommeil ou les ulcères, ce syndrome exposerait à un risque d’accident cardiovasculaire 2 à 3 fois plus élevé que pour les salariés dont l’emploi est stimulant.
A en croire certains articles reprenant les propos de la victime et de son avocat, la condamnation de l’employeur confirmée par la Cour d’appel de Paris serait une reconnaissance du bore-out par la justice.

Ennui au travail : données factuelles et risques
Cependant, selon l’INRS, le concept de bore-out est peu étayé, contrairement à l’ennui au travail, défini comme un « état émotionnel désagréable de faible stimulation et d’insatisfaction, engendré par la situation de travail qui n’offre pas assez de sollicitations ».
Celui-ci peut résulter :
- de tâches monotones ou répétitives ;
- d’une réorganisation ;
- d’un surplus de procédures ou d’obligations de reporting ;
- du manque de sens perçu par le salarié ;
- de l’absence d’opportunité d’apprendre ou de se développer.
Selon l’enquête conditions de travail coordonnée par la DARES, près de 8 % des français disent éprouver souvent de l’ennui au travail, et 2% indiquent l’éprouver toujours.
Dans les cas extrêmes, cet ennui peut être lié à une placardisation.
Dans son arrêt de juin 2020, la Cour d’appel de Paris ne reconnaît pas le bore-out, mais rappelle que le fait de mettre à l’écart un salarié, de lui retirer ses tâches et de lui en confier d’autres, subalternes, caractérise des agissements constitutifs du harcèlement moral.
Ennui au travail : conséquences pour la santé
Lorsqu’il dure dans le temps, les principaux effets sur la santé étayés sont le stress et les risques de dépression, d’accidents du travail ou de conduite addictive.
Les entreprises sont donc doublement tenues de prévenir l’ennui chronique au travail :
- d’une part, car elles doivent « protéger la santé physique et mentale des travailleurs » et « limiter le travail monotone » (Code du travail, art. L4121-1 et art L4121-2) ;
- d’autre part, s’agissant de la placardisation, au titre de la prévention du harcèlement moral (Code du travail, art. L1152-1).
Prévenir l’ennui au travail
La première piste de prévention consiste à identifier ce qui est modifiable dans l’organisation du travail. Ainsi, la monotonie ou la répétitivité peuvent être résolues en enrichissant les tâches ou en élargissant les postes.
Ce qui relève de la perte de sens au travail peut être repéré lors de la mise à jour de l’évaluation des risques psychosociaux et faire alors l’objet de mesures de prévention concertées avec les IRP, les salariés et l’encadrement.
Par ailleurs, l’entretien annuel et les entretiens périodiques sont des moments clés. Ils permettent d’identifier les salariés dépassés par les évolutions métier et ceux qui manquent de perspectives dans leur poste afin de leur proposer l’accompagnement adéquat : évolutions, bilan de compétences, formations, etc.
Enfin, le manager et le médecin du travail peuvent être en veille pour réagir aux signaux du type absence de motivation ou désinvestissement.
Pour aller plus en profondeur sur les sujets du stress au travail et du harcèlement moral, les Editions Tissot vous conseillent leur documentation « Risques psychosociaux ».
Cour d’appel de Paris, Pôle 6 - Chambre 11, n° RG 18/05421, 2 juin 2020
Chargé de mission qualité de vie au travail
Chargé de mission qualité de vie au travail, j'oeuvre sur différents sujets relevant de ce domaine : prévention et évaluation des risques psychosociaux, prise en compte de la qualité de vie au...
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