Salarié inapte : l’absence d’écrit sur les motifs s’opposant à son reclassement rend-elle le licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

Publié le 05/07/2023 à 06:30, modifié le 31/01/2024 à 17:30 dans Inaptitude professionnelle.

Temps de lecture : 4 min

Face à l’impossibilité de reclasser un salarié inapte, l’employeur est autorisé à procéder à son licenciement. Il reste cependant tenu de notifier à ce dernier les motifs s’opposant à son reclassement, et ce, avant sa convocation à l’entretien préalable. Mais alors, si cette information n’est pas régulièrement partagée, le salarié est-il fondé à contester le bien-fondé de son licenciement ?

Impossibilité de reclassement : à quel moment l’employeur doit-il en informer le salarié ?

L’inaptitude d’un salarié peut être constatée par le médecin du travail à l’issue d’un ou de deux examens médicaux.

Bon à savoir

La Cour de cassation a récemment précisé que cette inaptitude pouvait être reconnue à l'occasion d'un examen médical réalisé à la demande d’un salarié en arrêt maladie (Inaptitude : le médecin du travail peut la prononcer pendant un arrêt maladie).

Sauf dispense expresse du médecin du travail, cette déclaration d’inaptitude soumet, de fait, l’employeur à une obligation de reclassement.

Pour valablement la satisfaire, ce dernier doit proposer au salarié, de manière sérieuse et loyale, un emploi :

  • approprié à ses capacités ;

  • aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que les mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ;

  • prenant en compte, après avis du CSE, les conclusions écrites du médecin du travail et ses indications sur les capacités du salarié ;

  • au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant.

Ainsi, le licenciement prononcé en violation de cette obligation se retrouve dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où celle-ci vise justement à éviter cette alternative.

Seulement, certaines circonstances peuvent autoriser l’employeur à procéder au licenciement d’un salarié inapte. Il en va notamment ainsi lorsque ce dernier se retrouve dans l’impossibilité de satisfaire à son obligation de reclassement (ex : absence de poste compatible, petite taille de l’entreprise, etc.).

Dans une pareille hypothèse, il doit informer le salarié par écrit de cette impossibilité et des motifs la justifiant. Cette notification doit alors intervenir avant l’engagement de la procédure de licenciement, c’est-à-dire préalablement à la convocation à l’entretien préalable. A défaut, l’employeur :

  • ne peut pas rattraper son erreur à travers la lettre de licenciement ;

  • est tenu de réparer le préjudice subi par le salarié via le versement de dommages-intérêts.

Pour autant, si l’employeur manque à cette obligation d’information, manque-t-il inévitablement à son obligation de reclassement ? Retour sur l’analyse récemment reconduite par la Cour de cassation.

Impossibilité de reclassement : le défaut d’information ne permet pas de présumer un manquement à l’obligation de reclassement

Dans cette affaire, une salariée agricole est déclarée inapte à l’issue de deux examens médicaux. Au vu de la petite taille de son entreprise, son employeur se retrouve dans l’impossibilité de lui proposer un poste de reclassement conforme aux contre-indications du médecin du travail. Il licencie alors la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Or, ce dernier lui notifie les motifs s’opposant à son reclassement dans la lettre de licenciement, soit au terme de la procédure. La salariée conteste. D’après elle, en procédant à cette notification tardive, l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement.

Sa demande est accueillie favorablement par la cour d’appel de Bordeaux qui juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’employeur porte alors l’affaire devant la Cour de cassation. Selon ce dernier, cette information hors délai ne permettait pas :

  • de caractériser un manquement à son obligation de reclassement ;

  • et donc d’invalider la mesure de licenciement.

La Haute juridiction s’aligne à l’argumentaire de l’employeur et casse la décision d’appel.

L'absence de notification écrite ne rend pas, en soi, l'employeur coupable d’un manquement à son obligation de reclassement. Les sanctions relatives en découlant ne peuvent donc lui être opposées.

Toutefois, elle le rend redevable d’une indemnité destinée à réparer le préjudice subi par le salarié.

L’affaire devra donc être rejugée.

Vous souhaitez en savoir davantage sur les modalités relatives au licenciement d’un salarié inapte ? Consultez notre documentation « Santé et sécurité au travail ACTIV » dans laquelle vous pourrez retrouver la procédure interactive Lumio « Courrier d'impossibilité de reclassement suite à un avis d’inaptitude ».

Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2023, n° 22-10.017 (l'absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement du salarié victime d'un accident du travail n'expose pas l'employeur aux sanctions prévues par l'article L. 1226-15 mais le rend redevable d'une indemnité en réparation du préjudice subi qui ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse)

Portraits Tissot 046 2023 Gilles Piel 2

Axel Wantz

Juriste en droit social et rédacteur au sein des Editions Tissot