Séduction réciproque entre collègues : il n’y a pas de harcèlement sexuel !
Temps de lecture : 4 min
Contenu ancien
Il se peut que les informations contenues dans cet article et les liens ne soient plus à jour.
Harcèlement sexuel : définition(s)
Depuis 2012, le harcèlement sexuel dispose d’une double définition, codifiée dans le Code pénal.
Il peut s’agir, pour son auteur d’adopter des propos ou des comportements à connotation sexuelle, répétés qui portent atteinte à la dignité de la victime, en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou qui créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.
Mais il peut aussi s’agir, par assimilation, d’adopter un comportement ou de tenir des propos qui consistent en une forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
Dans les 2 cas, le harcèlement sexuel est puni quels que soient les liens entre l'auteur et sa victime, même en dehors du milieu professionnel (harcèlement par un proche, un voisin, etc.).
L'auteur peut être puni d’une peine de 2 ans de prison et avoir à payer une amende de 30 000 euros, ces peines pouvant être majorées jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende lorsque les faits sont exercés avec abus d’autorité (par un supérieur hiérarchique par exemple).
Lorsqu’ils sont réalisés dans un contexte du travail, l’auteur peut également faire l’objet de sanctions disciplinaires, pouvant aller jusqu’au licenciement.
La qualification des faits, qui relève des juges, peut s’avérer difficile lorsqu’ils découlent d’un jeu de séduction entre deux collègues et que la victime adopte une attitude ambiguë.
C’est à ce propos que la Cour de cassation s’est prononcée récemment.
Attitude ambiguë de la victime : échec de la qualification de harcèlement sexuel
Il n’y a pas harcèlement sexuel lorsque la victime adopte une attitude ambiguë face au comportement de l’auteur accusé de harcèlement sexuel et lorsqu’un jeu de séduction réciproque s’installe entre les deux personnes. C’est en ce sens que s’est positionnée la Cour de cassation le 25 septembre dernier.
Les faits : en 2000, un salarié est engagé pour exercer les fonctions de responsable d’équipe puis responsable d’exploitation. En juillet 2014 il est licencié pour faute grave en raison de faits qualifiés de harcèlement sexuel à l’encontre d’une salariée de son équipe.
Pour la cour d’appel, dans la mesure où la salariée a adopté une attitude ambiguë à l’égard de son supérieur hiérarchique lorsqu’il lui envoyait des SMS pornographiques, cette attitude ne pouvait caractériser un harcèlement sexuel constitutif d’une faute grave.
C’est pourquoi la cour d’appel requalifiera le licenciement du salarié en licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour faute grave, ce que contestera le salarié.
Mécontent de cette décision, le salarié introduit un pourvoi contre la décision de la cour d’appel, ainsi que l’employeur de manière incidente...mais en vain. Les pourvois sont rejetés.
Pour justifier sa décision, la Cour de cassation, en se basant sur les constats de la cour d’appel, va relever que la salariée se plaignant de harcèlement sexuel avait répondu aux SMS de son responsable, sans que l'on sache lequel d'entre eux avait pris l'initiative d'adresser le premier message ni qu'il soit démontré que ce dernier avait été invité à cesser tout envoi. De plus, la salariée avait adopté sur le lieu de travail à l'égard du salarié une attitude très familière de séduction.
Ces éléments, qui ont permis à la cour d'appel de conclure à l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l'encontre de la salariée et constatant l'attitude ambiguë de cette dernière qui avait volontairement participé à un jeu de séduction réciproque, excluaient que les faits reprochés au salarié puissent être qualifiés de harcèlement sexuel.
Cependant ces faits s’étant déroulés de manière répétée pendant 2 ans, les échanges ayant été envoyés depuis le téléphone professionnel du salarié, et de par sa position hiérarchique vis à vis de la salariée, les faits reprochés relevaient de la vie de l’entreprise et donc le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse.
Cour de cassation, chambre sociale, 25 septembre 2019, n° 17-31.171 (un jeu de séduction réciproque entre une salariée et son supérieur hiérarchique ne constitue pas des faits de harcèlement sexuel justifiant un licenciement pour faute grave mais peuvent être susceptibles de constituer un licenciement pour cause réelle et sérieuse)
Juriste droit social
- Séminaire d’équipe : quoi, pourquoi et comment ?Publié le 15/01/2025
- Violences sexistes et sexuelles sous relation d’autorité : faire de leur prévention un sujet obligatoire de négociation ?Publié le 15/01/2025
- Conflit au travail : comment s’en faire un allié ?Publié le 08/01/2025
- Face au sentiment d’impuissancePublié le 17/12/2024
- Risques psychosociaux : leur existence place-t-elle l’employeur dans l’impossibilité de réintégrer un salarié licencié ?Publié le 10/12/2024