Stop à la course à l’engagement

Cette croyance s’illustre particulièrement lors de la mise en place de projets de transformation. L’encadrement et les services de communication de l’entreprise se focalisent exclusivement sur tous les aspects positifs, afin de persuader les salariés du bien-fondé du changement et de la nécessité pour tous d’œuvrer à son succès.

Mais cela ne fonctionne pas auprès de tous les collaborateurs. Au contraire, cette démarche risque même de braquer encore davantage les salariés les plus méfiants. Et plus on insiste sur le positif, plus ils insistent sur le négatif.

Ce phénomène se nomme l’effet rebond (ou « réactance ») : l’état d’esprit initial d’une personne que l’on essaie de convaincre se renforce au lieu de se modifier. Cet effet est d’autant plus puissant que l’individu perçoit qu’on le manipule en le poussant à faire ou à croire quelque chose.

L’engagement des collaborateurs se traduit le plus souvent par une productivité accrue et une émulation positive dans l’équipe. Mais lorsque tout le monde est très engagé, et que l’esprit de compétition est, par exemple, entretenu par un système de primes sur objectif, des rivalités conflictuelles peuvent naître. En dégradant l’ambiance de travail, ces rivalités peuvent finalement nuire à la productivité générale.

Même si cela peut sembler contre intuitif à première vue, les membres les moins engagés du groupe sont en réalité un facteur d’équilibre dans une équipe : d’abord parce qu’ils prennent les contrariétés du quotidien moins à cœur, ensuite parce que les limites qu’ils posent en terme d’horaires, d’implication personnelle, etc. peuvent servir d’exemple à ceux que l’épuisement guette du fait de leur zèle inconditionnel.

La médiatisation du thème de l’épuisement professionnel permet aujourd’hui au plus grand nombre d’avoir conscience que l’engagement excessif – pour prouver sa valeur, pour compenser un vide personnel, ou tout simplement par passion pour son métier – est l’ingrédient principal du burn-out.

Mais là n’est pas le seul problème. Demander toujours plus d’engagement conduira fatalement à se mettre à dos les éléments les plus motivés. En effet, il est logique, lorsque l’on demande aux collaborateurs de prendre à leur propre compte les exigences de l’entreprise, que ceux-ci exigent en retour toujours plus de rétribution. Et si l’entreprise ne peut pas, ou ne veut pas, soutenir le rythme, les collaborateurs finiront par se désengager afin d’établir un équilibre qui leur semblera plus juste entre ce qu’ils donnent et ce qu’on leur rend, ou bien ils quitteront le navire pour trouver un emploi qui les satisfera davantage.

La surenchère, qu’elle concerne les échanges commerciaux, l’énergie ou la consommation, est devenue un problème majeur pour nos sociétés, qui rivalisent de mesures pour tenter de réguler ce phénomène. Comment croire que cet enjeu ne se pose pas également au sein du personnel qui compose une société ? Là aussi, il faudra apprendre, ou réapprendre, à substituer la notion d’équilibre à celle de rentabilité, seul moyen pour une société de maintenir sa productivité à long terme.

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